Vernissage de l’exposition sur le camp de Mittelbau-Dora

Vernissage de l’exposition sur le camp de Mittelbau-Dora

Vendredi soir, 10 janvier, avait lieu le vernissage de l’exposition proposée par la Délégation de la Dordogne de l’Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (AFMD) en partenariat avec la ville de Coulounieix-Chamiers sur le camp de concentration nazi de Mittelbau-Dora.

Cette exposition sera visible jusqu’au dimanche 19 janvier  tous les jours de 13h30 à 17h30 (voir notre rubrique « EVENEMENTS »).

Cette présentation fut pour l’AFMD l’occasion de rappeler les temps forts de l’année mémorielle 2024 et de rappeler, pour ce 80ième anniversaire de la victoire des alliés sur l’Allemagne nazie, l’horreur des supplices infligés aux déportés :

« Je veux remercier d’abord Mme Patricia AMELIN  directrice du service culturel pour son accueil dans ce lieu particulièrement accueillant et fonctionnel, le service communication de la mairie et Alain HUCHET pour son aide efficace à l’installation de notre exposition intitulée « de l’enfer de DORA à la conquête spatiale ».

Les Amis de la Fondation  pour la Mémoire de la Déportation sont heureux de vous proposer cette exposition et de participer ainsi à ce devoir de Mémoire plus que jamais nécessaire et qui plus est en cette année Mémorielle de 1945 . Créée en 2010 la délégation départementale de l’AFMD est issue de la dissolution de la section départementale de la FNDIRP 24 créée elle même au lendemain de la guerre en 1946 par Marcel PAUL et le colonel MANHES. La disparition des témoins et acteurs, inéluctable,  de la Résistance et de la Déportation a conduit à cette évolution. Il est apparu nécessaire et indispensable de perpétrer cette Mémoire face à la montée du péril fasciste dans notre pays et maintenant un peu partout en Europe, face aussi à la destruction systématique du programme « les jours heureux » du Conseil National de la Résistance.

C’est dire qu’il ne faut en aucun cas baisser la garde et qu’il reste encore « du grain à moudre » sur le sujet.

Par ces actions diverses, comme par exemple cette exposition d’aujourd’hui à COULOUNIEIX-CHAMIERS et tout récemment encore par notre action en faveur des jeunes collégiens et lycéens de Périgueux, l’AFMD participe à la préparation des élèves au Concours National de la Résistance et de la Déportation.

 Pendant un mois et demi, les élèves du lycée Laure GATET ont pu s’approprier cet épisode tragique mais combien symbolique du camp de DORA et qui pour la plupart d’entre eux leur était inconnu. Deux enfants de Déportés, Nancette BLANCHOU de la Coquille et Michel GARCIA de Trélissac sont venus apporter leur témoignage émouvant devant les élèves. Il faut remercier Mr DESMOULIN  proviseur du lycée pour son accueil enthousiaste de cette initiative qui a souhaité que tous les élèves puissent en prendre connaissance et l’implication dans l’organisation et la préparation pédagogique de Mr CHARBONNEL, professeur d’Histoire et de Mme Marie-Claire BESSON professeure documentaliste.

Cette initiative s’est terminée par une conférence sur ce sujet, de Laurent THIERY, Docteur en Histoire et chercheur à la Fondation de la Résistance. Cette conférence a réuni à l’Odyssée de PERIGUEUX 320 élèves avec leurs professeurs. Nul doute, après les échos que nous avons pu avoir, qu’il reste, de cette conférence, dans la mémoire des jeunes des éléments qui les amènent à réfléchir sur cette période de notre Histoire.

Je précise que Laurent THIERY est l’auteur de cette exposition, que la mise en page et les objectifs pédagogiques ont été définis par Mme Céline THIERY, enseignante formatrice à l’INSPE de l’académie de CAEN – NORMANDIE et Mme SOULT, professeure d’Histoire retraitée, vice présidente nationale de l’AFMD. Chaque niveau scolaire peut y trouver des pistes de recherches et de réflexion depuis la classe de CM2, puisque le concours leur est ouvert officiellement depuis cette année, jusqu’aux classes terminales en fonction de leurs spécificités.

Nous pouvons fournir aux enseignants les documents pédagogiques.

Avant de vous donner quelques éléments historiques concernant la période qui nous intéresse, je voudrais ajouter une information liée à cette exposition. Laurent THIERY est l’auteur et le coordonnateur du « LIVRE DES 9000 DEPORTES DE FRANCE  A  MITTELBAU-DORA » , fruit de 20 années de recherches. Ce livre comporte précisément au moment de son édition 8971 biographies de Déportés. Ce n’est peut-être pas le nombre réel aujourd’hui, on en découvre encore. La recherche n’est jamais terminée mais cela montre le travail énorme de collecte et de rédaction que cela a nécessité. C’est donc pour tous les bénévoles et participants à ce travail de Mémoire une fierté au terme de son aboutissement.

Le financement du livre, c’est à dire son édition et son tirage en 2020 ont été menés à bien par une souscription nationale menée sous la caution morale de l’AFMD. Le livre a été financé entièrement par des dons et cela montre à quel point ce devoir de Mémoire a été pris au sérieux par les associations et les souscripteurs. La délégation territoriale de l’AFMD 24 y a pris sa part.

J’en profite pour remercier celles et ceux qui nous accordent quelques subventions et leur confiance. Cela permet à notre association de fonctionner et de remplir sa mission.

Il y a un an, le 17 novembre 2023 nous avons réuni à CHANCELADE au cours d’une belle journée commémorative 34 familles de Dordogne dont 4 autres départements pour leur remettre ce livre gratuitement. Ce fut une manifestation

émouvante et nous remercions la commune de nous avoir permis cette rencontre.

Pour aborder cet épisode historique de notre Histoire je veux commencer par ce qui pourrait paraître

anecdotique, je cite Hervé LE TELLIER, écrivain « En France, l’heure est à la réconciliation, au mythe de la nation résistante, du moins unie derrière sa Résistance, l’article 45 de la loi d’amnistie d’août 1953 interdit même de rappeler les crimes commis. Il ne s’est rien passé. Le président du conseil René MEYER le résumera sans fard : « l’unité nationale est supérieure à toute les douleurs, plus urgente encore que les réparations. »

C’est pourquoi, vingt ans durant aucun officiel ne sera convié à Oradour-sur-Glane par l’Association nationale des familles des martyrs ».

Le rideau est tiré. Plus de victimes, plus de bourreaux, plus de crimes de guerre, tous amnistiés. Provisoirement.

Mais revenons  20 ans en arrière. Ce 20 février 1933 ou GOERING convoque tout le gratin des oligarchies financière et industrielle que compte l’Allemagne à cette époque, KRUP, OPEL, BASF, BAYER, IG Farben, SIEMENS, AGFA, TELEFUNKEN et j’en passe, pour écouter HITLER nommé chancelier le 30 janvier, présenter son programme d’organisation future de son grand Reich (qui devait durer mille ans mais qui n’en dura que douze). Au terme du discours de HITLER, GOERING mis fin à la réunion par ces mots : « maintenant Messieurs, il faut passer à la caisse. »

Cela nous rappelle peut-être quelques élections récentes.

Mais les évènements vont se dérouler très vite. Fin février, le Reichstag brûle, HITLER accuse les communistes, fait arrêter ses dirigeants et aux élections du 5 mars obtient 44 % des voix.  Le 1er camp de concentration destiné à emprisonner les opposants politiques, DACHAU, est créé le 22 mars 1933 . Ce camp tristement célèbre a servi de modèle pour la création de tous les autres devenant pour certains des camps d’extermination, pour d’autres des camps de la mort lente, par la combinaison d’un travail épuisant, de la malnutrition et de la violence.

L’histoire du camp de MITTELBAU-DORA créé en octobre 1944, onze années après DACHAU, est exemplaire car ce fut le dernier camp autonome, auparavant camp annexe de BUCHENWALD.

Sa création fut décidée après le bombardement allié du site de PEENEMÜNDE situé sur la Baltique au mois d’août 1943. Les nazis transférant la fabrication d’armements dans des usines souterraines.

 Ce camp est exemplaire aussi car dans les tunnels de ce camp les nazis utilisèrent la main d’oeuvre concentrationnaire dans des conditions horribles (la durée de vie des déportés affectés dans ces tunnels était estimée à 3 mois) pour creuser et aménager le site et produire les fusées V2, ces armes dont ils pensaient qu’elles modifieraient le cours de la guerre. Et il s’en est fallu de peu.

DORA c’est aussi un terrible bilan. Le 3 avril 1945, à partir de 15h, l’aviation anglo-américaine, qui croyait qu’il s’agissait d’un camp militaire l’a massivement bombardé. Sur les 4000 prisonniers qui restaient (les autres ayant été évacués dans les marches de la mort), 400 ont survécu aux bombes et à l’incendie. Le lendemain matin à 9h , l’aviation est revenue bombarder la ville voisine de NORDHAUSEN qui a été entièrement rasée.

Le 11 avril 1945 des unités du 7ème corps de la 1ère armée américaine pénètrent dans le camp et y trouvent quelques centaines de prisonniers vivants et 1200 morts et mourants.

Sur un peu plus de 60 000 détenus du camp de concentration de MITTELBAU-DORA et des kommandos environnants, on estime que 26 500 ont péri abattus ou battus à mort ou morts de maladie (typhus, dysenterie….) ou de famine : dont 15 500 dans les camps ou durant les transports (la plupart d’entre eux dans les kommandos de construction : 9000 d’épuisement au travail, 350 pendus dont 200 pour sabotage ou prétendus tels) et 11000 durant l’évacuation (les marches de la mort) organisée par les nazis pour fuir l’avancée des troupes alliées. (vous pouvez retrouver cette documentation sur « wikipédia )

Nous ne saurions oublier que l’enfer de DORA fut aussi le début pour l’humanité de la grande aventure de la conquête spatiale, militaire ou pacifique. Des ingénieurs, scientifiques nazis de tous niveaux ont collaboré volontairement et activement au génocide des déportés ou même dirigé la fabrication de ces nouvelles armes.

François LE LIONNAIS déporté à DORA ingénieur lui-même, matricule 77852 dont la biographie est parfaitement documentée dans le Livre des 9000 donne le témoignage suivant (cité par Hervé LE TELLIER):  « il se rappelait fort bien un sous-directeur, spécialiste des fusées, qui assistait aux pendaisons quand il ne désignait pas lui même qui pendre. L’homme s’appelait Werner VON BRAUN. récupéré par les Américains, il avait échangé son savoir contre l’immunité, au point de diriger la NASA pendant des dizaines d’années. »

Aujourd’hui – je cite Laurent THYIERY – alors que l’exploitation de l’espace revient au centre des enjeux mondiaux, cette exposition sur un épisode croisant le développement scientifique avec ce que l’Homme peut infliger de plus terrible à ses congénères, invite au questionnement en matière d’éthique. Autrement dit, comment l’histoire du dernier-né des camps de concentration nazi peut éclairer des problématiques qui se posent aux nouvelles générations en matière d’avancées scientifiques et des limites morales à ne pas franchir. « science sans conscience n’est-elle que ruine de l’âme ? »pour reprendre François Rabelais .

Je terminerai mon propos en ajoutant que nous avons voulu aussi donner à voir dans cette exposition quelques œuvres ou lavis réalisés au retour de déportation du camp de DORA par Maurice THOMAS DE LA PINTIERE (1920-2006). Résistant, Maurice THOMAS DE LA PINTIERE est arrêté à 20 km de la frontière Espagnole en juin 1943, avec des amis, tous désireux de gagner l’Angleterre pour rejoindre la France Libre. Après un interrogatoire de la gestapo puis un passage au camp de ROYALLIEU à Compiègne, il est déporté au camp de BUCHENWALD en novembre 1943. Après un transfert au camp de BERGEN-BELSEN il est libéré le 15 avril 1945. Etudiant à l’école des beaux-arts de PARIS en 1940, il dessine après sa libération une série de 35 lavis, réalisés de mémoire à partir de croquis effectués dans le camp de DORA qu’il intitule « DORA, LA MANGEUSE d’HOMMES «

 Chers ami-e-s je vous souhaite une bonne et heureuse année . »

René GAY Président de l’AFMD 24                                                                                           

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