Une fresque en hommage à Yvette Tastet et Betty Wieder
Article de Claude-Hélène Yvard dans la Dordogne Libre le samedi 12 octobre 2024 :
« Le destin de Betty Wieder est intimement lié à celui d’Yvette Tastet, ancienne institutrice du village en 1943. L’école élémentaire porte désormais son nom. « Septembre 1942, j’ai 5 ans. J’arrive à Négrondes avec ma mère et ma grand-mère et je suis scolarisée à l’école. Mon père qui était communiste et juif avait déjà été arrêté par les Allemands, quelques mois plus tôt. J’avais la consigne absolue de ne jamais dire que j’étais juive. Yvette Tastet, qui était institutrice et directrice, m’a sauvé la vie en me faisant passer pour sa propre fille. Un jour, les Allemands sont arrivés à la sortie de la classe. Ils me cherchaient. Ma famille avait été dénoncée. Avec la peur au ventre, du haut de mes 5 ans, j’ai répondu avec force, plusieurs fois, que je m’appelais Betty Tastet. Au lieu de me rendre vers le lieu où nous avions trouvé refuge, je suis retournée vers l’école, la directrice est alors sortie dans la cour. Je l’ai appelé en criant « maman ». Elle m’a prise dans les bras. Par ce geste de fraternité, elle m’a sauvée. » Quelques mois plus tard, Betty Wajsmark, de son nom de naissance, et sa famille sont recueillies et cachées par la famille Basbayon, Juste parmi les nations. En hommage, la place de la mairie porte leur nom.
Cette histoire personnelle, qui lui a permis d’échapper une première fois, à la barbarie nazie, Betty Wieder est venue la raconter plusieurs fois aux enfants de CE2, CM1 et CM2 de l’école. Ce témoignage, qui fait écho à celui de millions d’autres dans une des périodes les plus sombres de notre histoire, s’est transformé au fil des mois en formidable projet collectif et pédagogique autour du devoir de mémoire.
Un projet de deux années
Les enseignants de l’école, sous l’impulsion de Laëtitia Giraudet, les enfants, certains parents d’élèves, se sont impliqués pendant deux années scolaires. « Le message de Betty Wieder fut écouté, entendu, raconté, transmis aux autres élèves, aux familles, aux voisins », évoque Laëtitia Giraudet, enseignante. Ce fut deux années de transmission d’une histoire de vie, pour mieux comprendre une part sombre de notre histoire.
» Ce projet a donné naissance à une magnifique fresque réalisée par les enfants de l’école en petits carreaux de mosaïques. Elle évoque le souvenir d’Yvette Tastet, l’institutrice de 1943, prenant dans les bras une petite fille juive alors âgée de 5 ans. Cette réalisation a été inaugurée ce vendredi 11 octobre, en présence des parlementaires, du préfet de la Dordogne, de Betty Wieder, et des enfants de l’école, à l’origine de la démarche. Avec leurs mots à eux, ils ont raconté ce qu’ils avaient retenu de l’histoire de Betty, du geste de fraternité de l’ancienne institutrice. Comme a tenu à le souligner le préfet, JeanSébastien Lamontagne, la mise en œuvre de ce projet démontre à quel point les enfants ont été sensibles à cet héritage. Visiblement émue, Betty Wieder a tenu à remercier tous les enfants, avec lesquels elle a tissé des liens indéfectibles. « Je leur dois énormément. Je ne les oublierai jamais. » »