Périgueux: Hommage aux fusillés de 1944
Comme tous les ans à Périgueux, un hommage a été rendu aux 45 otages extraits de leur geôle et fusillés par les allemands entre le 5 juin et le 17 août 1944.
Le 19 août 2021, dans l’édition de la Dordogne de Sud-Ouest, Stéphanie Claude annonce la tenue de cette cérémonie et revient sur le drame vécu par ces martyrs:
« Mangold, Grandou, Warnier, Pirodeau, Arod, Trémoulet, Pomier, Kornblitt, Tatarkowski… Le plus jeune (Jacques Pomier) avait 15 ans et huit mois, le plus âgé (Émile Camil) 56 ans. Ils étaient 45, résistants (et) ou juifs, et tous sont morts, tombés sous les balles allemandes, à la caserne du 35e régiment d’artillerie de Périgueux entre le 5 juin et le 17 août 1944. Le 17 août, deux jours avant la Libération de la ville (1)… 45 morts et autant de drames, autant de familles meurtries, dont la mémoire s’inscrit dans la pierre du mur des Fusillés.
Président du comité dépar- temental de l’Association na- tionale des anciens combat- tants et amis de la Résistance (Anacr), Jean-Paul Bedoin connaît le parcours de chacun (sauf un seul qui n’a jamais pu être identifié). Il milite aussi inlassablement afin que leur souvenir soit honoré, malgré les décennies qui passent et les derniers témoins qui disparaissent, inexorablement.
« Répression gratuite »
Il est des rencontres qui vous obligent et Jean-Paul Bedoin le dit lui-même : « J’ai eu la chance d’entendre Ralph… » Résistant, Ralph Finkler, dé- cédé en février 2021 à 96 ans, lui avait raconté qu’il n’avait pas vraiment goûté à la liesse de la Libération, lui qui avait dû aller au 35e identifier la dépouille de son cousin, Marcel Kornblitt.
L’accélération des faits est implacable, le compte des vic- times aussi : un fusillé le 5 juin 1944, quatre le 19 juin, 23 le 12 août, un le 14, un le 16 et 16 (dont un collaborateur, 46e mort dont le nom ne figure pas, bien entendu, sur le mo- nument) le 17 août. « Ces exécutions répondent à une logique de répression gratuite», analyse Jean-Paul Bedoin. « Il y a eu une reprise en main brutale » par l’occupant.
Le colonel Sternkopf, à la tête de la garnison de Périgueux, avait accepté des contacts avec la Résistance. Son « laxisme » a été « recadré » par le général major Arndt, envoyé en Dordogne par son haut commande- ment. Arrivé à Périgueux le 9 août avec des renforts, Arndt est reparti le 12 après avoir ins- tallé le lieutenant-colonel Von Renteln aux commandes. Et entre-temps, il a ordonné l’exécution immédiate de 25 prisonniers.
Martyrs exhumés
Parmi les 40 fusillés d’août, un gamin de Périgueux, le jeune Serge Baptiste, 16 ans. Issu d’une famille de militants communistes, il a sûrement été dénoncé comme agent de liaison. Détenu dans « les conditions épouvantables » de la caserne Daumesnil, torturé, il n’a jamais livré les lieux où se trouvaient son père et son frère. Lorsque son corps mutilé a été retrouvé, sa famille n’a pu l’identifier qu’en reconnaissant ses vêtements. Après la douleur de l’assassinat, les proches des fusillés ont dû se confronter à l’horreur. Périgueux, libérée le 19 août 1944, a vu débuter cinq jours plus tard la pénible exhumation de ses martyrs. Des soldats allemands faits prisonniers à Saint-Astier, qui avaient révélé l’existence de deux fosses communes dans l’enceinte même de la caserne Daumesnil, ont été chargés de la besogne. Hélène Veyri, une résistante présente, a documenté ces instants. Ses écrits décrivent le lieu des exécutions où subsistait encore « une énorme flaque de sang que la pluie a encore agrandie, parsemée d’éclats de crâne, de bérets troués de balles ». »
(1) Jeudi 19 août, une cérémonie est orga- nisée pour marquer le 77e anniversaire de la Libération de Périgueux, mais aussi célébrer la mémoire des martyrs du 35e. Elle débutera à 10 h 30, au mur des Fusillés (accès par la rue du 5e régiment de chasseurs). Le monument actuel, sculpté par Gilbert Privat, a été inauguré en 1954, succédant à une plaque provi- soire.
Nancy Ladd, pour Sud-Ouest, évoque les principaux points de cette cérémonies dans un article publié le 20 août:
« « Il faut allumer les grandes dates comme on allume les flambeaux », a écrit Victor Hugo, cité par la maire de Périgueux Delphine Labails lors de la cérémonie rendant hommage aux 45 fusillés périgourdins, qui s’est tenue jeudi 19 août à la caserne du 35e régiment d’artillerie.
Libération sans résistance
Les familles des victimes, les élus, les représentants des anciens combattants et des citoyens étaient présents pour commémorer la Libération de la ville et honorer « la mémoire des martyrs ». La maire a rappelé que les combats entre les maquisards et les troupes allemandes à l’extérieur de la ville avaient souvent été meurtriers. Le 19 août 1944, les hommes du maquis sont entrés « sans résistance », la garnison nazie ayant eu ordre d’abandonner la ville. « Ils avaient semé l’horreur avant de se retirer », a souligné l’édile.
Au total, 45 personnes résistantes et juives ont trouvé la mort, assassinées, entre juin et août 1944. Gérard Arod, fils de Roland Arod, fusillé à 23 ans, ne manque aucune de ces cérémonies : « Je suis né le 3 août, il ne m’a jamais connu parce qu’il était déjà en prison», explique-t-il. «Les Périgourdins vous seront à jamais redevables», a souligné Delphine Labails en s’adressant aux familles des fusillés. «