Cérémonies émouvantes à Sarlat
Un hommage a été rendu à Sarlat à Lucien Garrigou distingué Juste parmi les nations par l’Etat d’Israël. Après le dévoilement d’une stèle à son nom place de la Rigaudie, la cérémonie s’est poursuivie devant le monument aux Héros, aux Martyrs de l’arrondissement où une plaque a été installée en mémoire de soixante sarladaises et sarladais victimes du nazisme dont les noms ont été retrouvé grâce à l’opiniâtreté de Bernard Reviriego.
Voici les compte-rendus de Sud-Ouest et de l’Echo de cette émouvante cérémonie:
Un Juste, 60 martyrs et un hommage
MÉMOIRE Le souvenir de Lucien Garrigou, sauveur de Juifs, a accompagné celui des 60 déportés ou internés par les nazis dont le nom est désormais gravé sur les stèles
« Deux cérémonies distinctes, mais liées par la trame de la Résistance et de l’humanisme ont eu lieu, dimanche 22septembre à Sarlat, place de la Petite-Rigaudie. Tout d’abord, le dévoilement d’une stèle au nom d’un Juste parmi les nations, la plus haute distinction de l’État d’Israël. Pour son action auprès des réfugiés juifs qu’il a cachés et contribué à sauver au péril de sa vie, Lucien Garrigou avait reçu cette distinction en 2004, à 92ans. Il est décédé en mai 2006. Ce week-end, le maire Jean-Jacques de Peretti – avec des mots très émouvants – a retracé brièvement les circonstances dans lesquelles Lucien Garrigou a sauvé ceux qui étaient pourchassés par les nazis, en les cachant dans l’hôtel Saint-Albert, notamment une mère et sa fille qui ont habité pendant deux ans dans une des chambres. Le premier magistrat a rappelé combien il fallait être courageux pour braver les lois de l’occupant et réagir face aux dénonciations qui signifiaient la Déportation. Lucien Garrigou, de son vivant, n’était guère bavard sur cette période. Ceux qui l’ont connu pendant ces années noires assurent qu’il gardait un moral d’acier: « Ça s’arrangera, disait-il. Tout cela ne pourra pas durer éternellement… ». Les Sarladais plus jeunes, qui l’ont croisé au soir de sa vie, gardent en mémoire son amabilité constante, un visage à la fois souriant et grave, une casquette vissée sur le crâne. Jusqu’au bout, il donnait un coup de main à l’hôtel tenu par son fils Michel et sa fille Patricia. C’est d’ailleurs elle qui a été invitée à dévoiler la pierre sur laquelle est désormais gravé le nom d’un homme qui ne peut être que source d’inspiration pour des temps pour le moins incertains. Réfugiés Dans la foulée de ce premier hommage, les Fils et Filles de déportés juifs de France (FFDJF), aidés par les Amis de la Fondation pour la mémoire de la Déportation (AFMD) en Dordogne et la Ville de Sarlat, ont ajouté 60 noms au mémorial des martyrs de la Résistance et de la barbarie nazie. 60 noms égrenés par de jeunes gens à peine plus âgés que certains de ceux qu’ils évoquaient. 60noms gravés dans la pierre, sur les stèles du 8-Mai -1945, pour ne pas oublier. L’occasion pour Henri Neimark, militant des FFDJF, de rappeler que ces réfugiés avaient trouvé paix et sérénité à Sarlat. Que certains, comme le docteur Nessmann, créateur du service de chirurgie de l’hôpital, avaient apporté leur talent et leur savoir à la communauté. Si le médecin est mort sous la torture infligée par la Gestapo de Limoges, 35femmes et hommes ont été raflés par la division Brehmer le 1er avril 1944, conduits à Périgueux puis à Drancy, acheminés ensuite à Auschwitz Birkenau, où ils ont été gazés à leur descente du train. Henri Neimark, à la fin de son allocution, n’a pas manqué de rappeler que cette époque n’était pas tellement éloignée de la nôtre, et « des discours populistes qui désignent des boucs émissaires… Dans ces réfugiés qui demandent asile, il y a peut-être un Einstein, un Chagall ou un Picasso ». Gilles RAY
La transmission nécessaire de la mémoire
« Grand moment d’émotion dimanche matin, au square du 8 mai 1945 pour l’hommage rendu à Lucien Garrigou, « Juste parmi les nations », et aux déportés et internés de Sarlat, tous victimes de la barbarie nazi. Lucien Garrigou avait reçu le titre de « Juste parmi les nations », décerné en 2004 par l’institut Yad Vashem de Jérusalem. La cérémonie de reconnaissance s’était déroulée le 15 décembre 2004 à la mairie de Sarlat. Comme l’a rappelé Jean-Jacques De Peretti, « Lucien avait été un résistant de la première heure, il avait, dans son hôtel du Saint Albert, recueilli une famille juive qu’il avait cachée dans le grenier et lors d’une descente, sur dénonciation, des Allemands dans son établissement, il les avait fait monter sur le toit où ils sont restés plusieurs heures. Il fut un homme d’honneur et pour nous c’est une grande fierté de pouvoir associer son nom au square du 8 mai 45». Autre hommage rendu ensuite, aux déportés et internés de Sarlat dont les 60 noms sont désormais inscrits sur une plaque devant le monument aux Héros, aux Martyrs de l’arrondissement. Ces femmes, ces hommes et ces enfants rejoignent ainsi les autres combattants, martyrs et victimes civiles de la barbarie Nazi pour un même hommage.
UN LONG TRAVAIL DE RECHERCHE
Pour arriver à retrouver toutes ces victimes, il a fallu un long travail de recherche, « leurs noms sont gravés dans le marbre, ils ne sont plus les oubliés de l’histoire mais rassemblés dans un lieu de mémoire afin de nous recueillir devant eux » a dit Henri Neimark, représentant Les Fils et Filles de déportés Juifs de France. Il a évoqué ce qu’ont vécu ces personnes emportées vers les camps de concentration et d’extermination, la complicité du régime de Vichy et a remercié tous ceux qui avaient contribué « à sortir de l’oubli tous ces innocents », le maire de Sarlat, Norbert Pilmé et son épouse Françoise, Mgr Poulain, Lucien Lazare qui avaient débuté les recherches en 2005, Bernard Reviriego, cheville ouvrière du projet, et Romain Bondonneau qui avait soutenu cette initiative auprès de la municipalité. Le président des Amis de la fondation pour la mémoire de la déportation, Norbert Pilmé, a également souligné, au cours de son intervention, le sort réservé à ces déportés : « 167 000 personnes ont été expédiées depuis la France vers les camps de la mort : AuswitchBirkenau, Buchenwald, Mathausen, Ravensbruck ou Struttof. Plus de 2 000 d’entre elles constituent les déportés de la Dordogne dont 60 pour la ville de Sarlat. Elles étaient de tous âges, de tous horizons professionnels et de toutes conditions sociales, elles avaient toutes un point commun: l’amour de la liberté et de la République ». Norbert Pilmé a souligné combien il fallait être vigilant par rapport à la montée de l’extrémisme en Europe : « la transmission de la mémoire est destinée à faire prendre conscience aux générations qui n’ont pas vécu ce que furent l’internement et la déportation, pour susciter une réflexion et une attitude de vigilance à l’égard de tout ce qui a pu y conduire ou pourrait en être à nouveau à l’origine. Ces 60 femmes et hommes et enfants nous appellent à la vigilance permanente contre tous les ennemis de la démocratie, et à construire sans relâche ensemble un avenir harmonieux pour nos successeurs, autour des valeurs des droits de l’homme que nous voulons inaliénables », et de citer Bertolt Bretch : « la bête immonde n’est pas morte ». « Ce sont des noms dont on avait plus la mémoire », a souligné Sébastien Lepetit, sous-préfet de Sarlat, qui, pour appuyer son propos sur la nécessité de transmission de la mémoire, a cité Léo Ferré : « avec le temps va, tout s’en va… ». Après les discours, chaque nom a été appelé par la fille de Romain Bondonneau et les trois petits enfants d’ Henri Neimark, la plaque a été dévoilée et puis a retenti La Marseillaise suivie du Chant des Partisans, de Nuit et Brouillard, et du Chant des Marais. Beaucoup d’émotion se lisait sur les visages. » P. PAUTIERS