Un massacre « presque oublié »
Article d’Hervé Chassaing dans l’édition de Sud-Ouest le mardi 12 juillet 2022:
« Paulette n’avait que 6 ans à l’époque, mais elle se souvient encore de son oncle François Cholet, 20 ans, mort, plein de sang, sur la table de sa cuisine. Il avait été abattu dans son jardin, soupçonné d’aider des maquisards. « J’ai tout vu, même si mes parents ne voulaient pas, et j’ai continué à avoir peur pendant des années », racontet-elle 78 ans plus tard.
Elle fait partie des témoins qui ont permis à Jean-Michel Lahieyte de sortir de l’oubli le massacre du hameau des Merles, le 28 avril 1944, sur la commune de Saint-Martin-de-Fressengeas. Cet ancien instituteur landais, qui a pris sa retraite au pays de son épouse, s’est passionné pour cette histoire en partie occultée dans les mémoires et vient de sortir un livre (1).
Ce jour-là, dix hommes des alentours ont été tués par une expédition venue de Périgueux pour traquer des résistants. Il y avait là une troupe de 100 à 150 soldats allemands et géorgiens, supplétifs de la phalange nordafricaine et d’éléments de la police SD que l’on assimilait à la Gestapo. Certains témoins parlent de Français et évoquent des miliciens. D’autres pensent qu’il s’agissait d’Alexandre Villaplane, l’ancien footballeur international français devenu collaborateur (lire ci-dessous), qui encadrait les phalangistes.
Le maire exécuté
Jean-Michel Lahieyte a accumulé depuis des années les paroles des habitants du secteur, souvent en occitan (ce qui permet de mieux libérer les souvenirs). Il organise des réunions dans le secteur pour raviver les mémoires. Il a réussi à retrouver les photos de neuf des dix victimes du 28 avril, ainsi que des sources d’archives pour mieux cerner cette histoire. Si elle est restée cachée, c’est notamment « parce qu’il y avait eu des dénonciations qui ont laissé des traces dans la commune ». Le maire de l’époque a même été exécuté par des maquisards en juillet 1944.
Quant au monument qui marque le souvenir de ce massacre, il a été réalisé en 1946 avec les moyens du bord et une inscription peu conventionnelle : « Honte à jamais au fascisme et à la barbarie nazie ». Un projet de rénovation est lancé
(1) « Les Merles, 28 avril 1944 » de JeanMichel Lahieyte, éditions Les livres de l’îlot. Prix : 18 euros.