Un travail des élèves de terminale sur la vie de Jean Sigala
Article de Vincent Trouche (v.trouche@sudouest.fr) dans l’édition de la Dordogne le jeudi 8 février 2024 :
« «Je le vois bien, dans sa petite voiture ou à vélo, sur les routes de Dordogne. On ne se méfiait pas d’un prêtre. » Jean Margez, professeur d’histoire-géographie au lycée Saint-Joseph, à Périgueux, raconte Jean Sigala. Avec trois collègues et 90 élèves de terminale, ils se sont attachés à retracer la route de cet ancien professeur de philosophie de l’établissement, prêtre et figure de la Résistance locale.
Un travail fastidieux tant les récits de sa vie sont rares. « On n’a pas beaucoup de sources, confirme l’enseignant. À sa mort [NDLR : en 1954], debout dans sa chambre, il a demandé à l’abbé qui était à ses côtés de détruire ses documents. » Une frustration pour les historiens qui appuie cependant la réputation d’humilité de Jean Sigala. « L’abbé Sigala n’est pas dans les manuels », ajoute Baptiste Duquesnoy, un autre professeur, content de pouvoir « relocaliser l’histoire » avec ses élèves grâce à ce travail.
Propagande anti-nazi
Né en 1884 à Bergerac, Jean Sigala est devenu prêtre en 1907. Aumônier volontaire durant la Première Guerre mondiale – il a été fait chevalier de la Légion d’honneur en 1919, puis officier en 1949 –, il s’enrôle de nouveau en 1939. Emprisonné en juin 1940, après l’armistice, il est libéré en 1941 et retourne à Périgueux, où il exerçait déjà comme professeur de philosophie à Saint-Joseph.
Farouche opposant au régime nazi, le prêtre professeur n’abdique pas pour autant. Les sourcils droits, de grosses lunettes, le menton relevé, il apparaît sérieux sur les rares clichés qui ont traversé les années. « Il faisait de la propagande anti-nazi en classe », raconte Jean Margez. C’est dans la chambre de l’abbé Sigala, avec Gabriel de ChoiseulPraslin entre autres, que la branche locale du mouvement de résistance Combat a été fondée en juin 1942.
« C’est un monument »
Jean Sigala ne s’est pas arrêté là. Il a caché des armes dans l’établissement Saint-Joseph, dans des caves et la chapelle, et battu la campagne pour lier le réseau. « Il avait une influence sur l’ensemble du mouvement », raconte Jean Margez. Surveillé, il finit par tomber en même temps que le reste du mouvement. Le 18 février 1944, les bottes de la Gestapo résonnent jusque dans sa salle de classe, où l’abbé est cueilli en plein cours.
Il survit à la déportation, à Mauthausen puis Dachau, et revient à Périgueux en mai 1945. « Les élèves de Saint-Jo lui ont fait une haie d’honneur à son retour », raconte Amandine Privat, l’une des élèves qui ont travaillé sur le sujet lors des cours d’enseignement moral et civique. « Il a été accueilli en héros. Il avait une certaine aura, c’est un monument dans l’établissement », appuie Jean Margez. Un accueil que les élèves vont rejouer lors d’une commémoration, vendredi 9 février (lire ci-dessus). Batiste Baudesson, un autre élève, ajoute : « On est fiers de lui rendre hommage. » »