1944, l’incroyable sauvetage du lieutenant Donovan
HISTOIRE Il y a 75 ans, un avion de chasse américain est abattu à Chalais(16). Le pilote s’en sort. Cette semaine, sa famille effectue un « pèlerinage »
Bruno Boucharel nous relate cette visite dans l’édition de Périgueux de Sud-Ouest le 14 octobre:
« Une émouvante cérémonie a eu lieu jeudi 10 octobre au mémorial de la Résistance de Saint-Étiennede-Puycorbier, rassemblant les enfants d’un aviateur américain et d’une famille de résistants périgourdine. Le lieutenant David Donovan, dont le chasseur P-51 avait été abattu le 8 juin 1944 près de Chalais (Charente), a rallié la Double le 12 juin 1944 ((lire « Sud Ouest » du lundi 7 octobre). Pris en charge par le réseau Françoise, il a pu rejoindre Toulouse puis l’Angleterre après avoir transité par l’Italie. Le rôle joué par la famille Lamy, de Périgueux, a officiellement été reconnu par les autorités américaines. Claude et Annick Lamy, respectivement âgés de 11 et 9 ans à l’époque, étaient présents jeudi au mémorial. Un panneau a été dévoilé par les enfants de David Donovan, Jack, Mary-Joyce et Peggy, qui ont entamé une sorte de pèlerinage en France. Ils se souvenaient des photos que leur présentait leur père. Des clichés où figuraient notamment Claude, Annick et leur sœur Marie-Lou. Sept décennies plus tard, on comprend aisément l’émotion des représentants de ces deux familles et les profonds liens d’amitié qui, visiblement, les unissent déjà. Le courage des « helpers » Durant la Seconde Guerre mondiale, les aviateurs alliés abattus ou accidentés dans le ciel français comme le lieutenant Donovan ont bénéficié de l’aide de réseaux organisés. Les aviations britannique et américaine manquaient de pilotes et il était indispensable de les récupérer au plus vite pour qu’ils redeviennent opérationnels. Les aidants (« helpers » en anglais), organisés en réseaux, ont prêté assistance à ces soldats, les ont cachés, nourris, leur ont fourni de faux papiers. Dans la Double et le Landais, au péril de leur vie, ils sont plusieurs à avoir joué un rôle important : Joseph Lavignac à Saint-Étienne-de-Puycorbier, Jean Drebetz à Issac, Jean-Hadrien Joly à Saint-André-de-Double, Henri Borzeix, chef du maquis de la Double, sont quelques-uns de ces héros. Cette face méconnue de la Résistance a été mise en évidence grâce aux recherches menées par Patrice Rolli, spécialiste des événements historiques de la Double, et par Pierre-Baptiste Castandet, passionné par l’histoire de l’aviation et de la Seconde Guerre mondiale. »
Olivier Sarazin (o.sarazin@sudouest.fr) nous raconte, l’épopée de ce pilote américains abattu à Chalais.
« C’était un aviateur courageux, toujours enjoué et très pieux, comme beaucoup d’Américains. Le lieutenant David A. Donovan, pilote de chasse du 358th Fighter Squadron, avait 26 ans le 8 juin 1944. Ce jeudi-là, deux jours après le débarquement de Normandie, il frôla la mort dans le ciel du Sud- Charente. Sa fuite sur les routes de Dordogne et du SudOuest dura trois mois. Le récit de cet incroyable sauvetage aurait pu être oublié, balayé par d’autres faits d’armes plus prestigieux. Il est aujourd’hui exhumé par un jeune Bordelais féru d’histoire, dont les premiers auditeurs sont les enfants et petits-enfants du soldat Donovan en personne. L’épopée est racontée cette semaine, à la faveur d’un «pèlerinage» familial en France et de deux cérémonies près de Chalais et de Mussidan (lire ci-contre). Le narrateur s’appelle Pierre-Baptiste Castandet. Ce jeune Bordelais travaille dans le monde du vin et de la communication. Il n’est pas historien, mais s’intéresse à l’aviation et à la Seconde Guerre mondiale… « Mon grandpère, à Saint-Émilion, me racontait avoir vu un avion de chasse américain canarder une station radio allemande près de Pomerol. J’étais gamin. Ça m’a marqué, rapporte-t-il. Plus tard, j’ai entamé des recherches. Elles ont duré dix ans. J’ai échangé avec beaucoup de spécialistes, dont l’historien périgourdin Patrice Rolli, qui m’a bien aidé. J’ai consulté des archives américaines, discuté avec des vétérans et leurs enfants sur des forums. C’est comme ça que j’ai découvert l’histoire de David A.Donovan et fait la connaissance de son fils Jack.» Le lieutenat Donovan appartenait donc à une unité de chasse de la 8e Air Force basée à Steeple Morden, au nord de Londres. Il effectua 37 missions en Europe. Le 8 juin 1944, trois groupes d’une trentaine de P-51 Mustang devaient mitrailler les convois ferroviaires allemands et retarder leur progression vers le front normand. Les avions de chasse remontèrent l’estuaire de la Gironde, puis se séparèrent. Une escouade prit la direction de Saintes, la seconde fonça vers le Sud-Charente, la troisième fila vers le Périgord.
Il fut taiseux après la guerre
Pierre-Baptiste Castandet rapporte: « Vers 17 heures, les P-51 survolèrent Chalais, où stationnait un train chargé de matériel militaire allemand. Donovan effectua deux passages. Son appareil fut touché par le tir d’un canon de 20mm installé sur le donjon du château. Le moteur et son système de refroidissement étaient endommagés. Donovan réussit à s’extraire du cockpit et à sauter avant le crash…» [Notre infographie ci-dessous]. Début de la fuite jusqu’en Provence, où Donovan retrouva les tro upes alliées après le débarquement de la mi-août. «De retour chez lui dans le Minesotta, il ne dit pas grand-chose de la guerre. Il est décédé en 1993, sans détailler tous ses souvenirs. C’est sans doute pour cela qu’aujourd’hui, son fils Jack, ses filles Mary-Joyce et Peggy et certains de ses petits-enfants ont décidé de marcher sur ses pas. Ils ont visité les plages de Normandie et Paris il y a quelques jours. Je les attends cette semaine en Charente et en Dordogne», conclut Pierre-Baptiste Castandet. »