Nord-africains: Résistants ou collabos
Ces Maghrébins, héros de la Résistance française: Un article sur le site OUMMA rappelle, ce dimanche 18 février 2018, la magnifique contribution d’immigrés nord-africains à la résistance française.
« Ils se prénommaient Abdelkader, Mohammed, Cherif, Ahmed ou Djaafar…, venaient des colonies et luttèrent, au péril de leur vie, pour libérer la France. Ils étaient ouvriers, imams, militaires. L’un d’eux, Cherif Mecheri, fut même sous-préfet en Eure-et-Loir, puis préfet, et bras droit de Jean Moulin, l’icône de la Résistance. Jean Moulin louait son courage lors de l’invasion allemande : « Je suis heureux que Mecheri soit resté, comme je le pensais, à son poste, dirigeant vaillamment les secours ». Appelés les « Indigènes de la Résistance », ce sont les Héros oubliés de la Résistance française face à la barbarie nazie.
Leurs noms ne sont pas gravés dans la mémoire collective, ils brillent par leur absence dans les manuels scolaires et le roman national. Grâce à Kamel Mouellef, arrière-petit-fils d’un tirailleur algérien mort au front en 1918, la flamme de la mémoire est ravivée dans la BD « Les Résistants oubliés ».« Il y a eu une volonté d’étouffement, une réécriture de l’histoire. Je veux montrer le rôle joué par ces combattants courageux que la France n’a pas le droit d’oublier »
Abdelkader Mesli, un orphelin algérien, fut l’un des cinq imams de la mosquée de Paris dans les années 1930. Il abrita plusieurs juifs, dès 1940, leur fournit des certificats d’islamité et des tickets de rationnement.Dans la Résistance à Bordeaux, il fabriqua des faux papiers et organisa la « réception et l’hébergement de Nord-africains évadés des camps ou prisonniers du département ». Dénoncé, il sera arrêté le 5 juillet 1944.
Déporté à Dachau en août 1944, puis à Mauthausen, il survécut aux camps de concentration mais en ressortit brisé. Il décéda en 1961. Ahmed Benabid, un brillant étudiant algérien en médecine, décrocha son doctorat à Grenoble en 1939. Mobilisé en tant que médecin auxiliaire, il a rejoint la Résistance avec le grade de capitaine. Il devint l’officier de liaison pour le département de l’Isère du général Cochet, commandant en chef des FFI pour la zone Sud.
De retour en Algérie en 1945, il prit le maquis pendant la guerre d’Indépendance, où il soigna les siens et des soldats français. Parmi eux, il y avait des anciens frères d’armes de la Résistance française. Djaafar Khemdoudi, natif d’Aumale en Algérie, fut un membre actif de la résistance française de 1942 à 1944.Affecté au service du travail obligatoire (STO), il empêcha la déportation d’un grand nombre de personnes – juives, européennes et nord-africaines – en leur procurant des faux papiers.
Déporté à Ravensbrück, puis Dachau, il réchappa des camps. Il est l’un des rares à avoir reçu un hommage : une cellule porte son nom au Mémorial de la prison Montluc, à Lyon, l’ancien centre de détention de la gestapo où il fut torturé. Klaus Barbie y tortura Jean Moulin à mort.« A travers ce devoir de mémoire, je veux dire aux jeunes français issus de l’immigration post-coloniale : le drapeau tricolore est le vôtre, vos ancêtres ont contribué à écrire l’histoire de France ». »
D’autres, comme hélas de nombreux français, prirent les armes aux côtés des nazis pour assassiner, torturer et piller sur le territoire français.
Ainsi, au printemps 1944, une brigade nord- africaine encadrée par la pègre a semé la terreur en Corrèze et Dordogne, sur ordre des nazis.
Supplétifs de nazis et truands, voici l’article publié par Dominique RICHARD dans le journal Sud-Ouest du dimanche 18 février, présentant le nouvel ouvrage de notre ami Patrice ROLLI:
« En novembre dernier, le Goncourt et le Renaudot, les prix littéraires les plus courus, étaient décernés à deux romans traitant du nazisme. Plus de 70 ans après la chute de Hitler, ce passé ne passe vraiment pas. L’abondance des publications n’épuise pas l’intérêt pour cette période dont certaines des pages les plus sombres restent toujours inconnues du grand public. À l’image des exactions perpétrées, en 1944, en Franche-Comté mais surtout en Corrèze et en Dordogne, par une sinistre Brigade nord-africaine, fruit d’une collaboration active entre la pègre parisienne et la Gestapo.
Dans un ouvrage très documenté, puisant différentes sources d’archives, l’historien périgourdin Patrice Rolli relate la traînée sanglante qu’ont laissée ces barbares enfantés par l’occupant(1). Dès leur arrivée dans la capitale, en 1940, les services secrets allemands avaient ouvert des bureaux d’achats qui leur permettaient de se procurer diverses marchandises et les produits dont avait besoin l’économie du Reich. Ils les payaient avec les indemnités d’occupation versées quotidiennement par le régime de Vichy.
Rapidement, la bande dirigée par le truand Henri Lafont, que rejoindra bien plus tard l’ancien flic ripou Pierre Bonny, avait mis son savoir faire au service de ces officines qui pillaient le pays. Casses, extorsions, pillages des biens juifs, trafics en tout genre les alimentaient en permanence. Devenu un rouage important de la machine à spolier, Henri Lafont rêvait de s’entourer d’une petite armée dédiée à son service. « La formation de la Brigade nord-africaine constituait le tremplin idéal ses ambitions politiques et militaires », explique Patrice Rolli.
C’est à la suite d’une rencontre avec le nationaliste algérien pronazi Mohamed el-Maadi que le projet pris corps. Plusieurs centaines de Maghrébins recrutés dans les quartiers misérables de Paris formèrent cette phalange hétéroclite dont les sections furent envoyées, au printemps 1944, dans les départements où les maquis étaient tout puissants.
Ceux qui donnaient les ordres étaient souvent des repris de justice, comme les Landais Charles Cazauba ou Jean Delchiappo.Ils côtoyaient des personnages singuliers aux parcours tarabiscotés, à l’image de celui de Christophe Lucet ancien capitaine de l’équipe de France de football Alexandre Villaplane, qui sema pendant plusieurs mois la terreur en Dordogne, même s’il essaya de protéger ses arrières en laissant s’enfuir l’un des chefs de la Résistance.
« Seul le profit et l’argent constituaient leur motivation », explique Patrice Rolli. Ils se conformaient ainsi au fameux adage du milieu de l’époque : ni fascistes ni communistes, «pognonistes ».
Quand ils n’avaient pas les Allemands sur le dos, tout était négociable contre de l’argent ou des bijoux, sous peine de coups et de tortures. Lorsqu’ils étaient appelés à soutenir les représailles exercées par les nazis, ils formaient les pelotons d’exécution. Ce sont eux qui ont abattu des dizaines et des dizaines d’otages à Mussidan, Saint-Pierre-de-Chignac et Brantôme, où le père du futur ministre Roland Dumas tomba sous leurs balles.
La Libération venue, peu de cadres de la brigade, à l’exception de son co- fondateur Mohamed el-Maadi, réfugié en Égypte, en réchappèrent. Démasqués à Brive, à Bordeaux où à Paris, même quand ils avaient essayé de se fondre dans les groupes de résistants, ils furent passés par les armes dans les mois qui suivirent. Comme les plus cruels des Maghrébins.
Dans la mémoire locale, ces derniers restèrent sous le nom de « bicots », un surnom révélateur de la haine qu’ils suscitaient. Ils ne furent pourtant qu’une poignée, comparé aux dizaines de milliers d’Arabes enrôlés dans les armées de De Lattre qui débarquèrent en Provence et payèrent le prix du sang pour libérer un pays qui n’était pas le leur. »
(1) On peut se procurer l’ouvrage «Une brigade nord-africaine pour le Reich» sur le site histoire.partage@yahoo.frou envoyer un règlement de 30euros (frais de port compris) à l’adresse: Éditions l’Histoire en partage; Grand Boissonnie; 24400 Beauronne.