Le souvenir des Alsaciens en Périgord
« Il y a quatre-vingt ans, près de 100 000 Alsaciens ralliaient la Dordogne dans des trains spéciaux ou par leurs propres moyens, à la suite de la déclaration de guerre avec l’Allemagne. Cette vaste évacuation avant que soit tiré le moindre coup de feu, touchant en priorité Strasbourg et le Bas-Rhin, avait été préparée de longue date. La Dordogne a été choisie pour son éloignement d’un éventuel front. Cet épisode a laissé des traces dans les mémoires aussi bien en Périgord qu’en Alsace. Les recherches sur le sujet entreprises depuis des années par les érudits Catherine et François Schunck ont largement contribué à les remettre au jour. À travers leurs livres (1) et les documents récoltés, ils racontent ce déplacement de population. Ils ont contribué à l’exposition qui ouvre ce lundi 9 septembre aux Archives départementales largement complétée par des documents sortis des réserves.
«Ne pas les traiter de Boches»
Ces documents retracent la préparation et l’implantation des Alsaciens à Périgueux et en Dordogne, avec les lieux où se sont installés les services publics et comment on a réparti les habitants. Ils rappellent aussi les consignes données pour héberger les populations et même les conseils pour l’accueil. Le préfet demande par exemple «d’assurer en priorité l’hébergement à ces réfugiés français mieux que pour les réfugiés espagnols ». Des messages expliquent aux Périgordins que même si le dialecte alsacien ressemble à de l’allemand, «il ne faut pas les traiter de Boches ». Le choc des cultures a été rude et celui du quotidien aussi pour les Strasbourgeois qui, habitués au confort urbain, se sont retrouvés dans des conditions rurales très rustiques. Ils font aussi des jaloux avec l’allocation de dix francs par jour qu’ils touchent. Les détails de cette cohabitation se lisent dans les rapports. «On pourra les retrouver sur le site Internet des Archives et sur Facebook », signale Nicolas Cournil, qui les a choisis et mis en situation. La presse de l’époque De nombreux fac-similés de journaux de l’époque sont présentés, dont des publications qui étaient destinées aux Alsaciens exilés en Dordogne, en partie bilingues. On trouve dans la presse de l’époque à la fois des éléments de vie quotidienne et d’autres rappelant l’esprit de la collaboration dans « Je suis partout» ou « Gringoire ». L’affiche de l’exposition reprend la photo la plus connue de l’époque dont Catherine et François Schunck ont reconstitué l’histoire. Il s’agit de celle du jeune Charles Hirlimann, lycéen à Claveille, évacué de Strasbourg située sur l’Ill, se retrouvant sur les bords de l’Isle à Périgueux. Le magazine « Match » l’avait pris comme exemple en 1940, en montant une photo du pont des Barris. François Schunck a retrouvé cette personne il y a dix ans, «tout simplement en cherchant son nom dans l’annuaire téléphonique ». Il vivait en région parisienne où il l’a rencontré. Depuis Charles Hirlimann est décédé, mais a transmis ses souvenirs dans un petit livre. On apprend que la dame à ses côtés est simplement une passante que le photographe avait fait poser avec Saint-Front en toile de fond. Après la défaite française et l’Armistice, une grande partie des Alsaciens sont rentrés chez eux, accueillis par l’armée allemande qui a enrôlé de nombreux hommes. Près de 30 % des évacués, dont la plupart des juifs, ont eu la bonne idée de rester en Dordogne où leurs descendants se retrouvent encore un peu partout. »
(1) Le livre très complet «Strasbourg Périgueux, villes sœurs» sorti avant l’été (Éditions Secrets de pays), écrit par Catherine et François Schunck, est dans toutes les librairies (20 euros)
Voici ce que nous en dit Isabelle Vitté dans l’édition de la Dordogne de l’Echo: