Décès de Lucien Cournil
Nous avons appris le décès de Lucien Cournil, ancien résistant du Terrassonnais, à l’âge de 95 ans.
Passeur de mémoire jusqu’au terme de sa vie, il aimait témoigner auprès des enfants et adolescents. Il était membre du CDM et Président du Comité de Terrasson de l’ANACR.
Le Bureau du CDM adresse à sa famille et à ses proches ses plus sincères condoléances.
Voici un extrait du discours prononcé par Sylviane Ranoux, il y a un peu moins d’un an, à l’occasion de l’anniversaire de ses 95 ans:
« Tu es né à Saint Lazare le 7 novembre 1926 ! Au Rieu tout près
de ce qui est devenu, grâce à ta ténacité, l’avenue Roger
Ranoux.
Tu as fréquenté l’université de Saint Lazare que tu rejoignais un
temps aux côtés de mon père et de mon oncle plus âgés de 5
ans, par ce « Chemin Vieux » si cher à vos souvenirs d’enfants.
Quand tu décroches ton certificat d’études en juin 1940, tu
rêves de devenir boucher, mais la guerre est là et c’est comme
« teneur de moule » à la verrerie que tu commences ta vie
active. Tu fais ensuite, sans conviction tes classes dans la
coiffure.
Mais ta vraie vie Lulu, celle de l’engagement se révèle à partir
de 1941-1942. Tu as alors la volonté de t’engager dans la lutte
contre le régime de Vichy et l’occupant nazi. Tu deviens un
résistant légal particulièrement actif et particulièrement exposé.
Tu en fais les frais le 9 mars 1944 où tu es blessé à la jambe
par un tir de mitraillette sans doute porté par des miliciens.
Pour te venir en aide, la solidarité se met en marche, c’est ainsi
que fonctionnaient les résistants « ami si tu tombes, un ami sort
de l’ombre…. ».
Tu es transporté à l’Hopital de Clairvivre où tu séjournes sous
un faux nom, puis La Galibe, puis Villac dans la famille
Feyrignac. Ce sont les premiers points de chute de ta longue
convalescence. La ferme des Feyrignac est un poste avancé du
cantonnement de Brugeaille des troupes d’Hercule. Y stationne
un détachement commandé par Crainque, le père de Nicole.
Cette proximité te vaudras de faire quelques aller-retours entre
la ferme des Feyrignac et Brugeaille, sur le dos d’un géorgien
aux proportions impressionnantes prénommé Souliko (nous
avons retrouvé une photo).
Ensuite tu rejoins, le centre de Valojoux, puis Auriac, puis à
nouveau Clairvivre jusqu’à la Libération. A l’occasion de ce
nouveau séjour à Clairvivre, tu ne résistes pas à une escapade
qui s’est un peu trop prolongée et qui se solde par série de
piqures d’antibiotiques et une greffe.
Plus tard, tu participes à des chantiers de reconstruction qui
t’emmèneront à Paris, Charleville Mézières, Le Havre, Caen, le
secteur de Bourg en Bresse, les Ardennes, puis la Région de
Sarajévo en Bosnie Herzégovine. C’est là, lors d’un banquet de
clôture de chantier que tu fêtes tes 20 ans parmi 1000
convives. Cela fait 75 ans aujourd’hui !
Quelques temps plus tard, ta blessure s’est réveillée, il faut dire
que tu ne t’économises pas. Tu te retrouves à nouveau à
l’hôpital pour six mois encore. Comme un malheur a
quelquefois des conséquences heureuses, c’est au cours de ce
séjour que tu rencontreras Jacqueline à qui nous pensons très
fort aujourd’hui, que tu épouseras en 1949.
Ton entrée dans le journalisme se fait par l’intermédiaire
d’Hercule. Tu y fais toute ta carrière avec un passage éclair en
chaudronnerie. La « Gironde Populaire », « Les Nouvelles »,
« l’Echo », seront ton quotidien jusqu’à ta retraite en 1983.
Dans ce métier tu côtoies Martial Faucon. Il n’est pas
seulement un collègue. Il devient aussi un frère de cœur. Vous
devenez même voisins à Saint Cyprien. C’est l’occasion
d’escapades répétées entre mer, montagne, Espagne, liquide
et solide. Nous pensons très fort à Marial Faucon qui lui fêtera
ses 97 ans en décembre.
Dans ton travail, tu prends de plus en plus de responsabilités,
mais je crois que ce qui a été le plus marquant pour toi, ce sont
tes activités liées à ton accréditation au ministère de la
Défense : voyage en Union Soviétique et en Bulgarie,
immersions au cœur même de l’ Armée : La Légion étrangère à
Calvi, la base aérienne de Solenzara en Corse, l’Ecole de l ‘Air
de Salon de Provence, la base aéronavale de Nimes-Garon, la
base aérienne d’ Istres, l’Arsenal de Toulon, etc.
Tu deviens le seul journaliste de la presse communiste à être
encore accrédité au Ministère de la Défense. Ce dont je ne
doute pas, c’est la distance et le discernement avec lequel tu
abordais tes immersions auprès des militaires.
Depuis la retraite, tu consacres beaucoup de ton temps à faire
vivre la Mémoire de la Résistance. Cela nous vaut entre autres,
un magnifique livre coécrit avec Martial Faucon sur la
Résistance en Terrassonnais.
Tu es encore et toujours très engagé pour défendre les valeurs
de la Résistance et reste un lanceur d’alerte sur les attaques à
la Mémoire et à l’Histoire de la Résistance qui sont pléthores.
Tu continues de témoigner encore et toujours auprès des
jeunes pour faire vivre les valeurs de la Résistance.
Lulu, pour tout cela, pour ton parcours, pour tes engagements,
je tiens à te dire toute mon admiration. Pour moi, tu fais partie
de la classe des aristocrates ouvriers, ceux qui savaient
conjuguer ensemble, le sens du travail bien fait et l’engagement
collectif pour améliorer le bien-être de tes semblables.
Ta gentillesse, ta générosité, ton attention aux autres, ton
sourire merveilleux, mettent de la lumière partout où tu passes. »
Lucien, chez lui pendant le COVID, témoignant encore, par caméra interposée.
On ne t’oubliera pas.
Voici l’article
Jeudi 27 octobre se sont déroulées les obsèques de Lucien Cournil, à Saint-Lazare. Né en 1926, il aurait fêté ses 96 ans ce 7 novembre. Selon ses vœux, la cérémonie s’est tenue dans la cour de l’école de son enfance. Une foule venue en nombre était présente pour ce dernier adieu. De nombreux intervenants ont rappelé son rôle et son rayonnement sur le territoire.
Des personnalités se sont exprimées successivement comme Francine Bourra, maire du Lardin-Saint-Lazare, Jean Bousquet, son homologue de Terrasson-Lavilledieu, Dominique Bousquet, président de la Communauté de communes Terrassonnais Haut Périgord noir, Pierre Gaillard, au titre de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance (Anacr), et Jacques Ranoux, conseiller départemental délégué à la mémoire.
Courage et générosité
Lucie, parente de Lucien Cournil, a lu un émouvant poème lui étant dédié. « Le Chant des partisans » a conclu la cérémonie. Lucien Cournil laisse à la jeune génération l’exemple de son courage face à l’occupant nazi, son engagement citoyen contre les idées racistes et révisionnistes, son rôle incessant de passeur de mémoire. Avec l’aide de ses camarades de combat, il a réalisé un énorme travail rappelant les exactions de l’envahisseur, pour que soit reconnue l’action de ces combattants de l’ombre qui luttèrent au péril de leur vie.
Il avait notamment participé à la rédaction de « Francs-tireurs et partisans français en Dordogne » et « Récits Inédits ». Grâce à ses initiatives, en 2007, une stèle à la mémoire d’Aloïs Deiber a été érigée au lieu-dit Langle. En 2016, c’est l’avenue Roger-Ranoux qui a été inaugurée à La Galibe. On rappellera aussi son implication régulière dans la préparation du Concours national de la Résistance et de la Déportation.
Son engagement au service de la Nation lui valut de nombreuses distinctions dont la Légion d’honneur, remise le 8 mai 2015 par le préfet de la Dordogne. Les membres de l’Anacr ont été profondément affectés par la disparition du président du comité de Terrasson, comme toutes les personnes l’ayant côtoyé au cours de sa longue et généreuse existence.