Stèle de Montauban

Dans la nuit du 11 au 12 juin, la division Das Reich entre en Dordogne pour terroriser les populations. Trois stèles à Sanilhac rappelle le tragique destin de jeunes hommes qui avaient fait le choix de la Résistance.

Un groupe se dirige ce 12 juin 1944 vers Notre-Dame-de-Sanilhac et fait halte au lieu-dit Rossignol. Vers 15H30, ils entendent un bruit de moteur et pensent voir arriver un camion du maquis. Mais il s’agit des Allemands qui ouvrent le feu. Jules Fourrières, 36 ans, sergent-chef qui conduisait ce groupe, est tué le premier.Les autres s’enfuient dans le bois mais trois d’entre eux sont rattrapés par les balles :

Albert Pugnet, 28 ans, employé de banque, André Bost, 20 ans, électricien et Maurice Lamothe, 23 ans, préparateur en pharmacie, sont extrait du bois et torturés avant d’être achevés d’une balle dans la tête. Les corps sont regroupés dans un fossé où ils seront découvert par un cultivateur.

Raymond Géraud  et les deux aviateurs Adeline et Fournier que le groupe escortait, ont pu s’échapper. Après-guerre, Raymond Géraud a pu témoigner de ces faits. Son témoignage, recueilli lors d’une commémoration, est rapporté en bas de page.

Mémorial de la Résistance

Au lieu-dit

Montauban:.

PUGNET Albert, 28 ans

LAMOTHE Maurice, 23 ans

FOURRIERES Jules, 36 ans

BOST André, 20 ans,

trouvèrent la mort sous les balles nazies.

« Nous voici réunis à nouveau afin de rendre hommage à nos amis, morts pour avoir voulu participer à la libération de notre pays.

Je vous remercie d’avoir bien voulu assister à cette cérémonie.

Afin de nous rappeler les circonstances du drame, je vais vous relater à nouveau la succession des événements de ce mois de juin 1944.

Avec quelques amis de la « Jeunesse Ouvrière Chrétienne » (J.O.C.), nous avions décidé, depuis quelques temps déjà, de rejoindre la Résistance dès que nous le pourrions.

Aussi dès le débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944, nous avons pu reprendre contact avec l’Armée Secrète (A.S.), afin de rallier le maquis et participer ainsi à la libération de notre Pays.

L’A.S. nous a demandé d’attendre encore quelques jours pour rejoindre la Résistance. Un militaire venant du maquis en mission à Périgueux, nous prendrait en charge.

Le 09 juin, j’apprends que notre rendez-vous est fixé au lundi 12 juin à 06 heures, dans le quartier St Georges, ou nous devions retrouver le Sergent Chef FOURRIERES.

Le 12 juin au matin, j’ai rejoins le lieu indiqué, ou j’ai retrouvé mes camarades, dirigeants fédéraux de la J.O.C.: Albert PUGNET – André BOST et Maurice LAMOTHE. Ce dernier qui avait été déporté au titre du Service du Travail Obligatoire (STO), n’était pas revenu travailler en Allemagne, à la suite d’une permission, ce qui était très courageux et dangereux en cette période d’occupation.

Deux jeunes militaires, aviateurs, nous ont rejoint· sur le lieu du rendez­-vous. Ils étaient passés chez le Sergent Chef FOURRIERES, qui leur avait dit d’attendre à l’endroit prévu, car il devait, avec d’autres Résistants, prendre un camion de la Croix Rouge à ·l’hôpital de Périgueux, pour l’emmener au maquis.

Les heures passaient. Enfin à 10 heures, le Chef FOURRIERES est arrivé, en nous disant que nous partions à pied. Le camion serait dérobé plus tard par ses camarades, et nous rattraperait en cours de route.

Ce retard était dû à la présence d’éléments de la division SS DAS REICH, qui étaient arrivés dans la nuit à Périgueux, pour tenter de rejoindre la Normandie, et dont les chars et véhicules occupaient tout le centre ville.

Nous avons appris par la suite, que c’étaient des éléments de cette division SS qui avaient pendu 99 personnes à Tulle, et incendié Oradour Sur Glane en assassinant ou brûlant plus de 600 habitants.

Nous sommes partis en direction de Notre Dame de Sanilhac, en passant à travers les bois et les champs. Le moral était excellent. Nous avons évité Notre Dame, et pris la petite route qui se dirige vers Rossignol. A 14 heures 30, ici même, le Chef FOURRIERES nous a informé que nous étions tout près des premiers barrages du maquis. Il nous a fait arrêter pour nous reposer, afin d’arriver en bon ordre aux avants postes de la Résistance.          .

Nous nous sommes assis dans le fossé longeant la route, en bavardant et mangeant des cerises qu’un paysan nous avait données. Il faisait chaud, et le soleil illuminait les sous-bois, qui étaient splendides.

Il était 15 heures environ, lorsqu’une fusillade a éclaté au loin. J’ai appris par la suite que les frères PERONNET, qui rejoignaient eux aussi le maquis, venaient d’être les victimes des SS.

Un peu plus tard, nous avons entendu le bruit d’engin motorisé qui se dirigeait vers nous, par la route que nous venions de suivre. Le Sergent lief a tout de suite dit : « c’est le camion que nos amis ont réussi à prendre, et nous allons finir d’arriver avec lui ». Ce furent ses dernières paroles.

A l’époque les camions étaient très rares, et il n’a jamais pensé que celui qui approchait ne pouvait pas être le camion attendu. Ce fut une tragique erreur. ….

A cet endroit la route étant sinueuse, nous n’avions aucune visibilité, dans la direction d’où arrivait le lourd véhicule. Un de nos amis, a fait quelques Pas sur la route. Aussitôt une fusillade nourrie s’est déclenchée. Nous sommes partis en courant dans le bois, très dense à cette époque de l’année, abandonnant nos affaires. Je me souviens avoir vu notre Chef tomber à côté de moi. Etant en tenue militaire, je pense qu’il a été visé particulièrement, ce qui m’a sans doute sauvé la vie.

Nous nous sommes retrouvés à quelques distances du lieu de l’attaque, avec les deux jeunes aviateurs. Nous pensions au sort de nos Amis. Nous souhaitions qu’ils aient pu se sauver eux aussi, espérant qu’ils n’avaient pas été blessés ou faits prisonniers par les SS …. Après quelques minutes de silence, nous avons entendu plusieurs coups de feu espacés. Nous nous demandions qu’elle pouvait en être l’explication….

Puis les véhicules sont repartis. Peu après une nouvelle fusillade éclatait vers la route de Bergerac. Là aussi, les SS avaient abattu deux jeunes qui rejoignaient le maquis.

Et le calme est retombé sur la campagne. Avec les deux aviateurs, nous. sommes revenus prudemment vers l’endroit ou quelques minutes plus tôt, nous étions réunis, dans la joie d’aller participer à la libération de notre Pays.

Quel choc ce fut en voyant mes trois amis de la JOC et le Chef FOURRIERES, allongés, morts, sur le talus de la route.

Les cultivateurs d’une ferme proche, nous ont racontés que les SS venus dans plusieurs véhicules blindés avaient transporté les corps du bois ou ils avaient été blessés, pour les placer sur le bord de la route. Là le Chef SS leur a parlé avant de les achever d’une balle dans la tempe. C’étaient les coups de feu séparés que nous avions entendus….

De petits trous bleuâtres à la tempe et sur le cou, sur lesquels les mouches se posaient déjà, voilà le dernier souvenir que j’ai de mes excellents camarades de jeunesse, et de celui qui fût notre Chef pendant quelques heures seulement.

Très éprouvés nous avons rejoint les premiers barrages du maquis, qui n’étaient plus très loin. Emmenés au poste de commandement de l’AS, nous avons expliqué les circonstances de la tragédie aux Responsables. L’un d’eux nous a proposé d’abattre des prisonniers Allemands, en représailles. Ce que nous avons refusé.

J’ai été affecté au Groupe ANCEL, et les deux aviateurs ont rejoints leur section. Je ne les ai jamais revus.

Après la libération de Périgueux, et ma reprise de travail à la SNCF, nous avons organisé avec mes amis JOCISTES, une collecte auprès de mes camarades cheminots ainsi qu’auprès de ceux de la JOC et de le JEC, afin de faire édifier cette stèle en la mémoire des disparus.

Un an après, le 12 juin 1945, celle-ci fut inaugurée sur les lieux du drame, en présence des représentants des autorités Civiles, Religieuses et de nombreux amis des disparus.

Avait de terminer cette évocation un peu longue, sans doute, je tiens à remercier bien vivement Monsieur le Maire de Notre Dame de Sanilhac ainsi que son Conseil Municipal, d’avoir bien voulu comme leurs prédécesseurs, entretenir ce modeste monument du souvenir, et d’y effectuer tous les ans une cérémonie commémorative, afin que la mémoire de ceux qui sont morts pour défendre notre beau Pays reste toujours vivace et serve d’exemple aux jeunes générations. »

Raymond GERAUD



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