Une famille « Juste parmi les nations »

Une famille « Juste parmi les nations »

Article de Pierre Bourgès dans l’édition de la Dordogne de Sud-Ouest dimanche 10 juillet 2022:

« Devant une centaine de personnes, et en présence de Betty Wajsmark-Wieder, présidente de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) en Dordogne, la maire de Négrondes, Françoise Descarpentrie, a inauguré le nouveau nom de la place de la mairie : la place Basbayon.

Marie, Louis et Marie-Louise Basbayon, reconnus « Juste parmi les nations », ont caché une partie de la famille de Betty Wajsmark-Wieder, alors âgée de 5 ans, pendant plusieurs mois entre 1943 et 1944.

L’ancienne équipe municipale en 2018 avait pour idée de nommer l’impasse où avait vécu la famille Basbayon de leur nom. Mais la crise sanitaire ayant mis entre parenthèses ce projet, Françoise Descarpentrie l’a repris. « Au moment de commander les panneaux, Bertrand Combeau [NDLR : adjoint à la maire de Négrondes] nous a fait part d’une réflexion », avance l’édile. L’impasse étant une voie sans issue, il a pensé qu’on pourrait croire que cela minimise leur acte. Il nous a alors proposé la place de la mairie, un endroit neutre et un symbole de paix. »

Vive émotion

« Ce qui m’intéresse par-dessus tout, c’est aussi que l’équipe enseignante se soit emparée du sujet », explique Bertrand Combeau. Les jeunes de l’école de Négrondes ont, en effet, pu comprendre pourquoi la place de la mairie était rebaptisée ainsi avec l’aide de Betty WajsmarkWieder. « C’est important que nos jeunes se rappellent ce qu’il s’est passé », ajoute l’adjoint. C’est avec une très vive émotion que la présidente de la Licra a inauguré le nom de cette nouvelle place.

La voix tremblante et les larmes sur les joues, elle s’est remémorée cette période sombre, quand elle n’avait que 5 ans et que les policiers de Périgueux ont arrêté son père en 1942. « Je rentrais de l’école. Je l’ai vu sortir de la mairie, menotté et entouré de deux policiers. J’ai hurlé ‘Papa !’ Il m’a envoyé un baiser avec ses mains, et je ne l’ai plus jamais revu », se souvient-elle. Sa mère, sa grand-mère, ses deux tantes et son frère ne pouvaient plus rester à Périgueux. Ils ont alors été assignés à résidence à Négrondes, « comme si nous étions des violeurs ou des criminels. »

« Rester enfermés »

Ils ont tenté de continuer à vivre quelques mois en se faisant discrets, dans un deux-pièces dans le centre du village. Mais cela n’a pas duré, la famille a été dénoncée. « Un jour, M. Basbayon nous avait dit ‘Si vous avez un problème dites-le-moi, nous vous protégerons’. » C’est ce qu’il a fait, avec sa femme et sa fille, Marie-Louise.

Pendant de nombreux mois, les Basbayon ont caché Betty Wajsmark-Wieder et sa famille. « Ils nous apportaient de la nourriture, de la soupe. Mais nous devions rester enfermés, sans dire un mot, de peur qu’un voisin ne nous entende. Il faisait terriblement froid », raconte-telle encore.

Mais le territoire étant devenu trop dangereux pour elles, les Wajsmark-Wieder ont dû fuir. Grâce à l’aide de plusieurs personnes, dont les Basbayon, ils ont pu rejoindre l’oncle de Betty au sud de Toulouse en train, et avoir la vie sauve. « 

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