Stèle Thomasson
A.N.A.C.R. Dordogne
…Cette commune, comme bon nombre de celles du département, reçoit, fin mars 1944, la visite des troupes de la Wehrmacht, dans le cadre de la lutte contre les « bandes de terroristes » (mots désignant, selon la terminologie nazie, les résistants), et notamment celle de la tristement célèbre division « B », « B » comme Brehmer, nom du général qui la commande et, début juin, celle des unités françaises de police armées, c’est-à dire la garde mobile, les Groupes mobiles de réserve (GMR) et même les francs gardes de la Milice, plus particulièrement celle du groupement E, sous les ordres du chef de cohorte de Bourmont.
Le 28 mars 1944, si l’on se rapporte au rapport du 27 décembre 1944 traitant des atrocités commises dans le département de la Dordogne par les troupes d’occupation et leurs auxiliaires durant la période comprise entre le 11 novembre 1942 et le 19 août 1944, la division Brehmer qui, après avoir fait 51 victimes (50 fusillés, 1 déporté) le 26 et 36 victimes le 27, semble, ce jour-là, si l’on peut dire, marquer une pause puisqu’on ne dénombre que 3 victimes (deux dans les communes de Saint-Front-d’Alemps et une dans celle de Château-l’Evêque) opère sur le territoire de la commune de Lempzours.
« Vers 17 heures, note le commandant de la brigade de gendarmerie de Thiviers, l’adjudant-chef Hugonnaud, une cinquantaine de soldats allemands sont arrivés à pied au domicile de M. Thomasson à La Salle, commune de Lempzours » à qui « à brûle-pourpoint, ils ont reproché d’être un terroriste ». [Ce dernier qui a été dénoncé, héberge et ravitaille en effet les groupes de maquis FTP de la région]. Les soldats visitent les dépendances de son habitation puis intiment à l’intéressé l’ordre de prendre les clés de la cave attenante à la grange et de les conduire à cet endroit. Tous pénètrent dans ce local sis à une quarantaine de mètres de la demeure.
Trente minutes plus tard environ, écrit l’adjudant-chef Hugonnaud, « trois coups de feu provenant des bâtiments ci-dessus ont été entendus par Mme Thomasson et ses deux filles qui étaient restés dans la cour ». Presqu’aussitôt après, les militaires reviennent vers elles et leur ordonnent de rentrer à leur domicile et de ne pas sortir avant leur départ. « A ce moment-là, rapporte le chef de brigade, ces personnes ont vu de la fumée provenant de la grange et, le lendemain, elles se sont rendu compte que la grange et le cuvier étaient complètement détruits par le feu ». Elles pensent que leur époux et père a été emmené par les soldats, tentent de savoir où est passé ce dernier.
Ce n’est que plusieurs jours plus tard, le 3 avril, que le cadavre calciné d’Adrien Thomasson, né le 14 septembre 1889 à Chalais (Dordogne), est découvert sous les décombres de la grange, qui avait brûlé avec tout son contenu (du vin et du matériel de vigneron surtout).
Cependant, parmi les assassins, Madame Thomasson a pu reconnaître le dénommé Saleix. « Agent français de la Sicherheitsdienst (S.D.), le nommé Yves Saleix, comme le précise Guy Penaud, dans son ouvrage Les crimes de la division « Brehmer », la traque des résistants et des Juifs en Dordogne, Corrèze et Haute-Vienne (mars-avril 1944), qui faisait autrefois du cinéma à Négrondes », est par la suite arrêté par le groupe Gabrielli qui le soupçonne fortement d’être un informateur de la Gestapo. Ce dernier, un jour qu’il est placé sous la garde de Martin qui est resté seul au cantonnement du groupe Gabrielli qu’il a réussi à infiltrer, parvient à s’échapper. Martin donne de cette fuite une explication qui parait plausible. « Personne ne se douterait de rien, souligne-t-on dans Francs-Tireurs et Partisans Français en Dordogne, si ce même Saleix, ayant gagné Périgueux, ne croyait devoir se confier au tenancier d’une maison close du quartier Saint-Front où il avait ses habitudes. Lui avouant qu’il doit sa liberté, et sans doute sa vie, à « Martin »… ». Il ignore hélas que son confident, en liaison avec des résistants, les informe sans tarder… Cette révélation permet à Jacques Desnoyers, l’un des chefs du groupe Nancel-Pénard de démasquer Martin et d’éliminer celui qui a placé son existence au service de l’ennemi. Il en est de même pour Yves Saleix qui, capturé à nouveau peu après, est exécuté à son tour.
Mémorial de la Résistance
29 mars 1944:
THOMASSON Adrien, 49 ans, originaire de Chalais, ravitaillait et hébergeait la Résistance. Fusillé, après que sa ferme eut été incendiée.
