Les cinq inconnus de la stèle des Rivières-Basses identifiés

Les cinq inconnus de la stèle des Rivières-Basses identifiés

Cérémonie commémorative du 10 mars 2019 au cours de laquelle la nouvelle plaque a été dévoilée par Bernadette Salinier, maire déléguée de Sainte-Marie-de-Chignac, en présence de Marie-claude Varaillas, conseillère départementale et de Jean-Paul Bedoin, Président du comité départemental de l’ANACR.

Publié le 19/03/2019 à 3h56 par Dominique Boivineau.

Les enfants du primaire ont participé aux cérémonies célébrant les deux tragédies de mars 1944.

Photo Dominique Boivineau

« La Dordogne a été, pendant la Seconde Guerre mondiale, un des fiefs de la Résistance. Mais les villages périgourdins ont été aussi le théâtre d’événements dramatiques. Sur le territoire de l’ancienne commune de Sainte-Marie-de-Chignac, deux lieux-dits, Le Capelot et Les Rivières, sont tragiquement entrés dans l’histoire au mois de mars 1944 (lire « Sud Ouest » des 7 et 8 mars). Soixante-quinze ans plus tard, dimanche 10 mars, anciens combattants, porte-drapeaux, élus, enfants ou simples citoyens se sont retrouvés au pied des stèles du souvenir.

Cinq otages identifiés

Au Capelot, tout près de la départementale 6089, trois membres du groupe Francs-tireurs et partisans (FTP) Gardette tombèrent sous les balles allemandes. Bernadette Salinier, maire déléguée, fut la première à prendre la parole et à rendre hommage à ces combattants. Daniel Roche, fils de résistant, a souligné le courage de ces jeunes hommes qui s’étaient indignés contre l’armistice signé par Pétain et la collaboration. Il invitait les nouvelles générations à rester vigilantes face à la montée du nationalisme et aux atteintes aux acquis sociaux.

Après un dépôt de gerbe, l’ensemble des personnes présentes se rendaient aux Rivières basses, sur la route du Bugue. À cet endroit 23 otages (sur 25) ont été fusillés, en représailles d’une attaque de maquisards qui infligea de lourdes pertes à l’occupant. Cette salle besogne fut confiée à un bataillon de Géorgiens. Miraculeusement deux personnes échappèrent à la mort, le coup de grâce n’ayant pas été donné. Gilles Catard, président de la section locale de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance (Anacr), faisait l’appel aux morts, en citant les 23 noms des martyrs. C’était la première fois que la liste était complète : après soixante-quatorze ans d’anonymat, les cinq derniers otages ont pu être identifiés. Un travail de longue haleine, fait par l’historien-archiviste périgourdin Bernard Reviriego, qui a permis la mise à jour de la stèle. Après le « Chant des partisans » et « la Marseillaise », les participants se sont retrouvés à la mairie de Sainte-Marie, pour « un verre de la paix », comme l’a nommé Bernadette Salinier. »

 

Bernard Reviriego, Attaché de conservation à la retraite des Archives départementales, a retrouvé aux archives de Périgueux un documents permettant d’identifier les cinq noms manquants sur la stèle des Rivières Basses à Sainte-Marie-de-Chignac:

Avec l’aide de l’ANACR et de la Communauté d’agglomération du Grand Périgueux, la maire de Sainte-Marie-de-Chignac, Bernadette Salinier, a pu faire réaliser une nouvelle plaque dévoilée lors de la cérémonie annuelle de commémoration de ce massacre.

Gilles Catard, Président du Comité de Saint-Pierre-de-Chignac de l’ANACR, a rappelé, dans son discours,  le contexte de répression aveugle de l’occupant en ce mois de mars 1944 qui, faute de pouvoir débusquer les maquisard, s’en prenait au populations civiles et fusillait les otages détenus dans les prisons. Ce massacre des Rivières Basses en est un exemple criant, les exécutions ayant été conduites sur le lieu même de l’embuscade menée en février par le Groupe FTP Gardette au cours de laquelle plusieurs allemands furent tués ou blessés.

Voici l’article publié par Emilie Delpeyrat dans l’édition de Périgueux de Sud-Ouest:

« C’est une petite victoire pour l’historien et un grand bond en avant pour l’Histoire. Après quinze ans de laborieuses recherches, l’ancien attaché de conservation aux Archives départementales de la Dordogne, Bernard Reviriego, vient de donner une identité aux inconnus de la stèle des Rivières-Basses, à Sainte-Marie-de-Chignac (24).
Dimanche 10 mars, en marge des cérémonies commémoratives de l’Association nationale des anciens combattants et amis de la Résistance (Anacr) (1), les noms d’Henri Dunayer, Gerhard Joachim, Mendel Sikove, Johan Trojanowski et Simon Wolfgang rejoindront ainsi les patronymes connus des 18 autres otages exécutés le 27 mars 1944 par les soldats allemands de la division Brehmer à Sainte-Marie-de-Chignac.
Une première découverte:
Son ouvrage phare, « Les Juifs en Dordogne » (2), était sorti depuis à peine deux ans quand Bernard Reviriego est tombé par hasard sur une liste de noms frappée du tampon de la mairie de Périgueux, dans les fonds des Archives départementales. Le précieux document, en apparence très banal, faisait mention de 25 noms, parmi lesquels ceux gravés sur la plaque commémorative de la stèle des Rivières-Basses. « En parcourant la liste, j’ai supposé que les patronymes absents de la plaque pouvaient être ceux des cinq otages oubliés de Sainte-Marie-de-Chignac », se souvient-il.
À l’époque, Bernard Reviriego avait signalé sa découverte au maire de Sainte-Marie-de-Chignac. Sans trop insister non plus. « En histoire, comme chacun sait, deux sources concordantes valent mieux qu’une », indique le chercheur archiviste.
« On croit parfois avoir affaire à deux personnes différentes, mais on finit par se rendre compte qu’il s’agit de la même personne »
Il y a deux ans, enfin, le miracle se produit. De passage au Mémorial de la Shoah à Paris, le Périgourdin déniche une liste de 31 noms de personnes incarcérées à la prison de Limoges pendant la Seconde Guerre mondiale. Banco, les patronymes correspondent, à de rares exceptions près dues à une retranscription approximative des noms. « On croit parfois avoir affaire à deux personnes différentes, mais on finit par se rendre compte qu’il s’agit de la même personne », signale Bernard Reviriego.
Sitôt exhumée, sitôt communiquée. La liste des noms est immédiatement adressée à la mairie de Sainte-Marie-de-Chignac. La maire, Bernadette Salinier, est ravie, mais « les moyens manquent pour entreprendre une rénovation de la stèle », glisse la première magistrate. C’est à ce moment-là que l’Anacr décide d’apporter son soutien aux démarches de Bernadette Salinier, dont la commune vient alors de fusionner opportunément avec Boulazac. Toutes les conditions sont cette fois réunies pour qu’une nouvelle plaque soit apposée sur la stèle des Rivières-Basses. »

Bernard Reviriego avec Sylviane Ranoux lors de la cérémonie du 10 mars

durant le dépôt de gerbe

Article de Philippe Jolivet dans l’Echo du 11 mars:

« Les victimes du Capelot et des Rivières basses honorées

Malgré la météo peu engageante de nombreuses personnes ont assisté hier aux cérémonies organisées sur les stèles du Capelot et des Rivières basses.

La première cérémonie s’est tenue sur la stèle du Capelot en présence de nombreux élus de la commune de Boulazac-Isle-Manoire, Jacques Auzou, Alain Cournil, Alain Passerieux, Bernadette Salinier, Liliane Gonthier entre autres et Marie- Claude-Varaillas représentant le conseil départemental. Une quinzaine de porte-drapeaux et de nombreux représentants d’associations de mémoire avaient fait le déplacement.

C’est tout d’abord Bernadette Salinier maire déléguée de Sainte-Marie-de-Chignac qui a pris la parole pour rendre hommage à Paul Grenier, 19 ans, René Barrataud, 20 ans et Pierre Bonnefond, 23 ans tous trois membres du groupe FTP Gardette tombés en ces lieux le 4 mars 1944. Puis Daniel Roche, fils du résistant Coco Roche a pris la parole pour relater les faits de 4 mars 1944. « Julot (René Barrataud) avait été averti qu’une colonne allemande de Périgueux, accompagnée de miliciens français s’ était rendue à Saint-Pierre-de-Chignac pour y arrêter une famille de juifs réfugiés. Le groupe Julot a donc décidé d’infliger une correction à ces fascistes. Arrivant par la route départementale, ils laissent leur camionnette en retrait et tendent une corde en travers de la 89 pour obliger les véhicules à s’arrêter. Un groupe de quatre hommes sous la conduite de Maous occupe la colline en surplomb de la route pour assurer une protection. Les groupes ont à peine reçu leurs instructions qu’une voiture se présente venant du carrefour de Niversac. Surgit juste après un second véhicule. Ce sont les Allemands. Du coup, les FTP restés sur la 89 se replient. Des coups de feu éclatent. Derrière la maisonnette du passage à niveau, face à l’ennemi se trouvent Julot et Pierrot munis de fusils. Dubreuil lui est équipé du fusil mitrailleur. Les autres armés de simples pistolets ne peuvent que se replier d’ autant que les nazis sont plus nombreux et bien armés. Soudain, Julot est touché, Pierrot gît déjà face contre terre. Dubreuil s’emparant du FM va pour fuir, mais une rafale lui fauche les deux jambes. Trois hommes se sont échappés, mais deux sont repris dans une grange : Pabeni (Paul Grenier), qui est abattu sur le champ et Jojo qui sera déporté ». Des jeunes qui avaient dit non à la collaboration et qui s’ étaient indignés comme l’a rappelé Daniel Roche qui a rappelé que c’est grâce à des jeunes comme ceux-là, « que la Résistance s’est assise à la table des vainqueurs et que le CNR et son programme ont vu le jour ». Un pro- gramme dont les acquis sont détricotés par les gouvernements successifs et que Daniel Roche a invité à défendre bec et ongles.

UN MASSACRE

DE REPRÉSAILLES

Les participants se sont ensuite rendus sur la stèle des Rivières basses. Une stèle qui comme il a été rappelé par Gilles Catard président du comité ANACR du canton de Saint-Pierre-de-Chignac a été rénovée par la mairie (lire notre édition du 7 mars) afin de pouvoir y ajouter les cinq noms des fusillés qui n’ avaient pas pu être identifiés et qui l’ont été grâce au travail de Bernard Reviriego. Il s’agit de Henri Dunayer, Gerhard Joachim, Mendel Sikove, Johan Trojanowski et Simon Wolfgang. Gilles Catard est ensuite revenu sur les événements du 24 mars 1944. Non sans expliquer au préalable leurs origines. Le 14 février 1944 au matin, Jacqueline Daubisse alias La Panique qui est agent de liaison et vit près de la gare des Versannes est

avertie qu’ une colonne de soldats nazis prend la route des Versannes. Le convoi prend la direction de La Douze et Jacqueline craint une opération contre le maquis d’ Hercule (Roger Ranoux) qui se trouve dans les environs. Elle en informe alors Coco du groupe Gardette qui décide d’ attendre le convoi sur le chemin du retour. Coco installe donc son groupe à l’endroit où se trouve aujourd’hui la stèle, un site où à l’ époque on pouvait voir sans être vu. « Coco est un fin stratège. Avec minutie, il organise la position de ses combattants. Il y avait Bayard, Dubreuil, Jean-Claude, Jo, La Puce, Maous, Milou, Tarzan, Toto et Zorro », explique Gilles Catard. Un premier véhicule ne ressemblant pas à un camion militaire passe sans que personne ne tire. Puis deux side-cars précédant le convoi arrivent et les résistants ouvrent le feu. Les soldats surpris par l’ attaque ripostent mais sont désorientés. Le but étant atteint Coco demande à son groupe de se replier au sommet de la colline. Selon Gilles Catard, « les Allemands n’ont pas pour méthode de publier des états des pertes mais plusieurs des leurs ont été tués ou blessés. Parmi les blessés se trouvait un commandant qui décédera 15 jours plus tard ». Le chef du SD Hambrecht faisait également partie du convoi et fut blessé, gardant une haine pour le secteur. Pour assouvir leur vengeance, les nazis décidèrent de prendre 24 personnes dans les geôles des prisons de Limoges et Périgueux qu’ils conduisirent sur les lieux de l’attaque où ils furent rapidement assassinés devant de nombreux officiers SS. « La sale besogne avait été confiée au bataillon Géorgien 799 et à ceux du 95e régiment de sécurité ». Mais dans l’affolement de cette exécution rapide, deux personnes dénommées Camosetti et Tania Ténenbaum réussirent à s’évader dans les bois.

« 25 otages, 23 fusillés, deux rescapés
En représailles à l’attaque d’un convoi allemand par la Résistance locale, le 27 mars 1944, 25 otages, dont une majorité de juifs réfugiés ou résistants incarcérés dans les prisons de Limoges et de Périgueux, sont conduits à Sainte-Marie-de-Chignac pour y être abattus. Deux d’entre eux, Joseph Camosetti et Tania Tennenbaum, parviennent à s’enfuir.
Les autres sont fusillés sur place. Ils s’appelaient Laja Balaustein (29 ans), Gérard Bloch (32 ans), Osias Burstein (51 ans), Pierre Bussière (31 ans), Albert Chaminade (21 ans), Jean Coste (23 ans), Henri Dunayer (44 ans), Jean Debernard (21 ans) Albert Dreyfuss (43 ans), Arno Falk (40 ans), Jean Galinat (34 ans), Abraham Gelcam (19 ans), Heyman Granat (50 ans), Isaac Granat (20 ans), René Guir (41 ans), Gerhard Joachim (34 ans), Nachmann Katz (48 ans), Bognos Manoukian (46 ans), Mendel Sikove (50 ans), Mendel Stern (64 ans), Hermann Sveida (40 ans), Johan Trojanowski (42 ans) et Simon Wolfgang (44 ans).

 

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