Inauguration de l’Espace du 31 mars 1944

Inauguration de l’Espace du 31 mars 1944

Jean-Paul Bedoin, Président du CDM 24, lors de son allocution

L’ Espace du 31 mars 1944, un village dans la tourmente a été inauguré le 31 mars 2019 en présence du Préfet, du Vice-Président du Consei régional, du Président du Conseil départemental, de la Députée de la circonscription et de nombreuses personnalité civiles et militaires.

31 mars 1944, le bourg de Rouffignac est incendié par la Division Brehmer, il n’en reste alors que l’église et quelques bâtiments attenants. Au sortir de la guerre, il s’en suit une période de reconstruction qui lui donne aujourd’hui son aspect architectural si typique.

31 mars 2019, la Commune de Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reilhac inaugure son Espace mémoire. Il est dédié à l’histoire de cet événement et aux exactions commises par la division Brehmer lors de cette « semaine sanglante » dans de nombreuses communes de Dordogne, faisant 271 victimes civiles fusillées et plus de 250 personnes envoyées en Déportation (dont une grosse part de femmes et d’enfants juifs). Il s’agit de se saisir des éléments historiques qui ont conduit à cette répression aveugle par les forces occupantes et à cette journée du 31 mars, et ce grâce à une documentation et un travail fourni du Centre Départemental de la Mémoire (CDM 24). Il y est également question d’entrer dans ce moment par la porte de l’expérience, du vécu et des souvenirs, ceux des habitants de Rouffignac. Alors enfants, ils nous racontent aujourd’hui leur 31 mars.

En 2018, la Commune investit dans un local et le réhabilite. Elle confie à un comité de pilotage la conception du projet à mettre en œuvre dans cet espace dédié à l’histoire de son incendie et à sa mémoire. Images d’archives, photographies, documents et textes historiques, maquette, objets, plans, cartes, et enfin témoignages sont collectés et alimentent une scénographie proposée par Occitània creativa.

Cet espace mémoire s’inscrira dans le réseau des sites mémoriels du département de la Dordogne, le CDM 24 se chargeant d’orienter le public vers ces lieux empreints d’Histoire.

REVUE DE PRESSE:

Sud-Ouest le lundi 1er avril 2019

Hervé  Chassain dans l’édition départementale de Sud-Ouest du 28 mars 2019:

« Jean-Paul Bedoin, le président délégué de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance (Anacr), rappelle : « Cette unité de la Wehrmacht avait été appelée pour détruire des maquis très actifs dans ce secteur surnommé “la Petite Russie”, terroriser les populations qui les aidaient et continuer la chasse aux Juifs réfugiés dans la région. »

Cet épisode tragique a été surnommé la Semaine sanglante : il a fait 271 victimes dont 116 Juifs et causé la déportation de 270 personnes. Ces événements, entre destructions et massacres, n’ont cependant rien à voir avec la division SS Das Reich, responsable du massacre d’Oradour-sur-Glane (87), au mois de juin 1944.

Au lance-flammes
Solange Delage avait 12 ans à cette époque. Elle habitait chez sa grand-mère à la sortie du village et se souvient très bien de l’arrivée des Allemands. « Ils cherchaient des Juifs et des résistants. Les hommes avaient été réunis sur la place. Vers 17 heures, on nous a dit qu’il fallait quitter les maisons et qu’elles seraient brûlées à 22 heures. Ils ont tout brûlé, sauf l’église ».
Les maisons ont été incendiées par les soldats utilisant parfois des lance-flammes
Les maisons ont été incendiées par les soldats utilisant parfois des lance-flammes

CRÉDIT PHOTO : DR
La demeure où habitait Solange avait été épargnée ce soir-là, mais les Allemands sont revenus le 2 avril mettre le feu au reste du village. « On avait sorti les meubles dehors, mais ils ont tout brûlé au lance-flammes. Nous n’avons récupéré qu’un crucifix qui était tombé par terre. » Un mouvement de solidarité s’est manifesté aux alentours pour héberger les sinistrés. « Nous sommes restés pendant presque un an dans une famille qui nous a accueillis », se souvient Solange.

150 bâtiments détruits
Dès la fin de la guerre des baraquements de bois ont été installés pour accueillir des réfugiés, avant une reconstruction standardisée financée dans le cadre des dommages de guerre jusqu’aux années 1950. Ce qui donne un aspect étonnant au bourg actuel, avec toutes ces maisons aux pierres blanches identiques, pas vraiment dans le style du Périgord.

Près de 150 bâtiments ont été détruits à Rouffignac en mars 1944, créant un choc dans le département. Des habitants ont aussi été molestés pour dénoncer les membres de la Résistance. Mais le bilan humain fut moindre ici qu’à Brantôme, Sainte-Marie-de-Chignac ou La Bachellerie, où les militaires de la Brehmer ont multiplié les exécutions.
Parmi la soixantaine d’otages embarqués de Rouffignac pour Azerat, un seul a été fusillé car il s’est dénoncé comme Juif. Pierre Khantine avait 29 ans. L’école de Rouffignac porte désormais son nom. Quatre gendarmes, coupables de ne pas avoir arrêté les maquisards du coin, sont morts en déportation. Un autre otage a été abattu à Condat.

La gendarmerie a été brûlée. Quatre des gendarmes ont été déportés et ne sont pas revenus

CRÉDIT PHOTO : DR

Une quinzaine de témoins
Le drame de Rouffignac n’est pas comparable à celui d’Oradour-sur-Glane. Les habitants ont eu plus de chance, face à des soldats prêts à tout mais qui ont déchaîné leur violence sur les bâtiments.
« Ici nous n’avons jamais arrêté de commémorer ces événements », rappelle le maire Raymond Marty. Le parcours à travers le village, le mémorial (lire plus bas) et surtout la parole des témoins entretiennent cette mémoire. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une quinzaine de survivants de cette époque à perpétuer ces terribles souvenirs.
Le martyr de Rouffignac a été officialisé le 5 mars 1945 par la visite du général de Gaulle, puis en 1948 par l’attribution de la croix de guerre. Le village a été détruit, mais la Résistance a continué tout autour jusqu’à la Libération. Soixante-quinze ans plus tard, on ne l’oublie pas.

Le général de Gaulle est venu à Rouffignac, le 5 mars 1945, un peu moins d’un an après la tragédie

CRÉDIT PHOTO : DR

Du projet de musée au mémorial
« Dans les années 1980, un projet de musée de la Résistance et de la Déportation avait été lancé en Dordogne », raconte Jean-Paul Bedoin, président délégué de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance (Anacr) de la Dordogne. Le projet avait été prévu à Périgueux, au Musée militaire, avant d’être ramené à Rouffignac par le maire de l’époque, Jean-Gérard Faure.

Trop ambitieux
Il s’agissait alors de construire un bâtiment derrière la mairie. En 1997, l’ancien résistant Yves Bancon avait monté un dossier ambitieux, avec un coût évalué à 6 millions de francs. Autant dire que le Département, sollicité pour le financement, n’a pas donné suite. Mais l’idée d’un centre départemental de la mémoire de la Résistance et de la Déportation perdure, avec la collecte de la mémoire des anciens que mène Nicolas Cournil. Depuis, il a intégré les Archives départementales. C’est d’ailleurs là que ce centre de la mémoire sera physiquement installé.

Au mémorial, la grande maquette qui reconstitue le village avant sa destruction, présentée par le maire Raymond Marty et le président de l’Anacr Jean-Paul Bedoin.

CRÉDIT PHOTO : ANDRE CARRET

La mairie de Rouffignac n’a par ailleurs jamais laissé tomber l’idée d’un mémorial. Le premier magistrat Raymond Marty a mené ce projet depuis son élection. L’idée de l’installer sous la halle n’ayant pas été acceptée par les Bâtiments de France, c’est dans un local acheté par la commune pour l’office de tourisme qu’il a été aménagé. Ce centre d’interprétation ouvrira le 31 mars, soixante-quinze ans après la tragédie de 1944, avec la grande maquette du village, des documents et des films. Sécurisé et surveillé par des caméras, il sera ouvert librement et gratuitement aux horaires de la mairie.

Les 75 ans, dimanche 31 mars
C’est une cérémonie importante qui s’annonce dimanche 31 mars pour commémorer le 75e anniversaire de la destruction de Rouffignac, qui est l’un des moments marquants de la Semaine sanglante dans le sillage de la division Brehmer.
Le maire Raymond Marty a invité le préfet, le sous-préfet, les élus de la République et du Département… Des militaires seront également présents pour la cérémonie qui se mettra en place vers 10 h 30. Elle sera précédée d’une messe dédiée aux six morts directement liés à cette journée : les deux otages fusillés à Azerat et Condat, ainsi que les quatre gendarmes de Rouffignac qui ne sont pas revenus de déportation.
Cette manifestation sera aussi l’occasion d’inaugurer le nouvel espace mémoire, en y installant le drapeau de la commune avec sa croix de guerre attribuée en 1948 par Paul Ramadier (et non pas par le général de Gaulle lors de sa visite de 1945). C’est également dimanche que l’on pourra voir pour la première fois le film de témoignages de la plupart des derniers survivants réalisé par la société périgourdine Occitània creativa, qui a aussi assuré la scénographie du mémorial. »

PHOTO STÉPHANE KLEIN/« SO »

Article de Philippe Jolivet le 29 mars:

« Le 31 mars 1944, les nazis incendiaient le village de Rouffignac détruisant 105 maisons et mettant près de 400 personnes à la rue.

Le 11 novembre 1948, le village se voyait attribuer la Croix de guerre et devenait « Village martyr », un bien triste label qu’il partage avec Oradour-sur-Glane.

Les raisons qui ont amené la division Brehmer dans le secteur sont diverses selon le maire Raymond Marty, « mais le secteur avait un haut niveau de résistance avec des maquis dans la forêt Barade, à Fanlac, à Bars ou encore à Saint-Léon-sur-Vézère qui bien sûr se déplaçaient souvent mais étaient très actifs dans le secteur. Et pour le commandement allemand tout était bon pour briser la Résistance et dissuader la population de la soutenir, en cachant ou hébergeant des maqui- sards par exemple. C’est une des raisons qui ont conduit la division Brehmer à commettre les exactions qu’elle a commises le 31 mars 1944 ».

Ce jour-là les nazis envahissent le bourg et font se rassembler les hommes majeurs et jusqu’à 50 ans sur la place du village, qu’ils font ensuite monter dans des camions en partance pour une destination inconnue. « Ils ont pris la direction de Brive. Les dirigeants du convoi ont appris que parmi les hommes qu’ ils avaient raflés se trouvait un Juif, ils se sont alors arrêté au village d’A- zerat et ont dit aux hommes du convoi. « Nous savons qu’il y a un Juif parmi vous. Qui-est-ce ? ».

C’est alors que Pierre Khantine, un jeune instituteur de 29 ans, s’est dénoncé. Ils l’ont conduit à une cinquantaine de mètres près du cimetière et l’y ont fusillé avant de reprendre la route, finalement vers Périgueux, et ont conduit leurs prisonniers au 35e d’artillerie. Les prisonniers ont été une fois de plus triés, certains d’entre eux sont revenus et les autres ont été envoyés au STO ». Mais les quatre gendarmes de la brigade du village arrêtés le même jour connaissent un autre sort puisqu’ ils sont envoyés dans les camps dont ils ne revinrent jamais. Une autre victime est a déplorer, Sylvain Asch, résistant israélite, arrêté ce jour-là est fusillé le 2 avril à Condat-sur-Vézère. À Rouffignac, les Allemands « donnent ordre au maire de faire évacuer le bourg en lui indiquant qu’ils mettraient le feu aux maisons du bourg le soir-même. La population a eu à peine trois heures pour rassembler quelques effets personnels avant de partir se réfugier dans la campagne chez des amis ou des parents », poursuit Raymond Marty.

L’ESPACE MÉMOIRE VOIT ENFIN LE JOUR

Un épisode qui a profondément marqué la mémoire du village qui n’ a fini d’ être reconstruit qu’ en 1952. Pendant des années les habitants ont vécu dans des baraquements en bois.

Depuis une trentaine d’ années, toutes les municipalités qui se sont succédées ont voulu créer un espace de mémoire relatant cette histoire avec « parfois des projets qui étaient démesurés pour les finances de Rouffignac. Mais en 1994 le projet a vraiment repris son souffle avec le travail de Serge Seyrat, habitant de la commune qui, pour la commémoration des 50 ans de ces événements avait réalisé une maquette d’ un mètre sur deux montrant toutes les habitations qui se trouvaient dans le bourg avant l’ incendie », explique Raymond Marty. C’est également ce jour-là que la place du marché fût baptisée place du 31 mars 1944 à l’endroit même où furent rassemblés les prisonniers.

Depuis, la maquette était restée en l’état dans le hall de la mairie. « Nous avons donc passé une convention avec le lycée Léonard de Vinci afin d’éclairer cette maquette. Ils l’ont donc équipée d’un tableau répertoriant les différentes professions du village et à partir duquel on peut actionner des leds permettant d’ éclairer les maisons où s’exerçaient ces activités. Et en même temps sont projetées sur le mur des photos ou cartes postales de l’époque montrant les lieux ».

Cette belle installation a rejoint l’Espace Mémoire qui sera inauguré dimanche. La mairie a acheté un ensemble de bâtiments pour y réimplanter un commerce de proximité, mais également son office de tourisme de 40 m2 par lequel on accède à l’Espace Mémoire de 60 m2 dans lequel on retrouve la maquette éclairée mais aussi un film qui a été réalisé par la société Occitania créativa, condensant les témoignages de témoins des événements, à l’époque âgés entre 5 et 17 ans, ainsi que des panneaux explicatifs de trois mètres de haut sur huit mètres de long réalisés par le centre départemental de la Mémoire et retraçant ce qu’on appelle la « semaine sanglante », soit le passage de la division Brehmer en Dordogne du 26 mars au 2 avril 1944 et se terminant par une carte de la Dordogne montrant tous les endroits où s’est arrêtée celle-ci… »

Sud-Ouest – 08 04 2019

 

 

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