9 novembre 1943 :

Deux jeunes Périgourdins, Alain Province et Jean Givord, qui ont entendu parler de la Résistance et qui ne veulent pas obtempérer lorsqu’ils reçoivent leur convocation pour le STO, décident de se cacher dans les bois. Ainsi naît le Groupe Gardette qui engagera le combat contre les troupes nazies et leurs supplétifs, de janvier à août 1944.

Mais laissons Alain Province nous raconter la suite (« Aujourd’hui et autrefois » auto-édition 2001 ):

 

2021 11 La maison du maquis

« Jean Givord, un coéquipier de football de L’ U.S.M. ( Union Sportive du Manoire), est dans le même cas. Il me demande ce que je compte faire, se présente un soir à la maison avec son père et son grand-père. Celui-ci a été emprisonné un certain temps pour opinions communistes. Les Givord pro­posent à mon père de créer un maquis, ni plus ni moins. Ils disent être en rapport avec une organisation qui nous armera. Tout esprit sein répondrait que c’est une folie. Tout esprit politique demanderait à réfléchir.

Nous acceptons sans hésiter. Reste à trouver un gite. Mon père contacte Fernand Audy, du village voisin de Clavieras, qui offrira une vieille maison inhabitée sur ses terres. Le 9 novembre 1943, au jour prescrit, mais en un lieu différent de celui porté sur la convocation, je rejoins Jean Givord et un troisième compère à sa suite.

J’entre dans la clandestinité.

Le refuge procuré par Fernand Audy était une masure à usage de grange, heureusement pourvue d’une cheminée. Elle était opportunément située à l’écart du village, à l’orée des bois qui dévalent à pic sur le vallon de Font­Bouteille, autrement dit à une portée de fusil de Flageat, mais seulement accessible par un mauvais chemin détourné. Aujourd’hui restaurée et habitée, on l’appelle familièrement « La maison du maquis ».

Nous y commençâmes une vie de Robinsons d’autant plus agréable qu’un ravitaillement abondant nous était prodigué par le double parrainage de la maison Province et de la maison Audy. Le caractère guerrier de l’aventure se trouvait préservé par un pistolet automatique de petit calibre entre les mains de Jean Givord, arme dont je doute qu’elle eut pu repousser l‘incursion d’un maraudeur, mais qui suffisait à nous différencier d’un camp de boys-scouts. La seule difficulté initiale fut la préparation des repas, mais très vite le camarade de Jean, surnommé je ne sais pourquoi Eblard, sembla témoigner de quelques dispositions qui furent d’autant plus encouragées dans ce domaine qu’elles lui faisaient défaut dans d’autres. Il devint cuisinier en titre, avec un registre fâcheusement limité, où revenait trop souvent à mon goût le pot-au-feu mal cuit.

Bien entendu, nous n’entrions dans le village, nous contentant de courtes incursions dans les bois voisins, sorties dont le charme, par ce mois de novembre, fut vite épuisé. Le hameau de Claviéras, composé à l’époque d’une demi-douzaine de feux, entouré de bois et de ravins, évoque dans mon souvenir une sorte de village gaulois irréductible dans lequel Fernand Audy aurait joué le rôle du chef Abraraccourcix. Lui seul nous rendait visite. Il connaissait bien son voisinage et lui faisait une confiance totale, à juste raison car jamais les habitants ne se hasardèrent à venir lorgner de notre côté, ni la moindre indiscrétion ne s’échappa vers l’extérieur. Le fait est assez rare pour être souligné…

…On ne nous oubliait pas. Nous eûmes d’abord la visite impromptue du responsable départemental aux effectifs, appelé « Vincent ». C’était le premier résistant professionnel, en quelque sorte, qu’il me fut donné de rencontrer. Avec son chapeau mou et sa fine moustache brune, j’aurais pu le prendre pour Jean Moulin, si la photo du héros m’avait été connue en ce temps là.

Au contraire de son sosie, Vincent devait finalement survivre aux innombrables péripéties de sa vie clandestine. Ce jour là, il se contenta de baptiser le nouveau groupe de F.T.P. (Francs Tireurs Partisans) du nom de « Maurice Gardette », un résistant communiste qui venait d’être fusillé. Puis il nous demanda de choisir des noms de guerre. Jean Givord devint « Blaise », Eblard resta « Eblard » . Pris de court, je me jetais sur un nom de personnage de quelque roman lu récemment, qui m’avait paru sonner bien champêtre et bien français : « Dubreuil »

« Oh, tu choisis un joli nom » me fit Vincent, avec un regard amusé.

Il était plus habitué aux Zorro et autres Tarzan. Il repartit subrepticement, comme il était arrivé.

Puis ce fut Léo, et avec lui la fin de la récréation, ayant fuir sa Normandie natale où ses activités clandestines l’avaient rendu « persona non grata », il venait de finir un stage à « I’école des cadres » des F.T.P., dans un recoin de la forêt Barade, proche de Fanlac, et avait été désigné pour prendre la tête du détachement Gardette… »

Dès ce mois de décembre 1943, le Groupe Gardette bénéficiera d’un parachutage. Il sera parmi les premiers à s’engager dans des actions de guérilla au contact direct avec les colonnes de l’armée allemande. En janvier il accueillera le Groupe Lucien Sampaix, récemment venu de Corrèze et montera avec Hercule et les résisrtants expérimentés de ce Groupe, le sabotage des locomotives du dépôt de Périgueux.

A la suite de ces premiers faits d’armes il devra quitter « la maison du maquis » pour ne pas compromettre les habitants du voisinage. Il poursuivra ses activités jusqu’à la libération de Périgueux en aôut 1944.

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