La fin d’un journal Résistant

La fin d’un journal Résistant

Cette triste nouvelle faisait la une des journaux dès mercredi 6 novembre. Prenons, toutefois d’abord, connaissance du témoignage de Lucien Cournil, ancien Résistant, membre de l’ANACR et du CDM 24, qui a consacré une large partie de sa vie professionnelle à l’ECHO du Centre:

« La disparition de l’Echo est pour tous les anciens Résistants , une perte majeure. C’est un nouveau pan de démocratie qui nous abandonne, un coup dur pour le pluralisme de la presse dans notre région, une menace pour la liberté d’expression, mais aussi une perte d’emploi pour 42 salariés avec qui nous partageons l’angoisse du lendemain.

Issu de la Résistance par la volonté d’un petit groupe de Résistants tous ouvriers du Livre, le premier numéro du journal clandestin qui prendra le nom de Valmy, verra le jour le 22 septembre 1943 à Limoges. Prendront part à cette aventure, aux côtés d’Alphonse Denis qui en sera l’inspirateur, Jean Breuil, Jeanne Sabourdin, Pierre Boisseuil , Eugène Parthonnaud, Pierre Bastard et l’imprimeur Etienne Rivet qui sera chargé de l’impression.

Malgré la sanglante répression organisée par l’occupant nazi, la Gestapo et l’aide de la police française le succès de ce premier numéro , tiré à 8000 exemplaires sera tel auprès des populations que le deuxième numéro donnant des informations sur l’activité de la Résistance et appelant à l’organisation d’une Résistance de masse tiré à 16000 exemplaires sera diffusé clandestinement dans les 5 départements (Haute Vienne, Corrèze, Creuse, Dordogne et Indre) qui constituent la Région 5. De septembre 1943 à octobre 1944, 19 numéros de Valmy seront publiés au nez et à la barbe des nazis et de la police française, jamais les instigateurs de Valmy et l’imprimerie ne seront découverts malgré le dispositif considérable mis en œuvre.

Notre région libérée par ses propres moyens, Valmy sortira de la clandestinité est paraîtra au grand jour le 25 octobre 1944.

Au fil du temps le titre de Valmy devenu quotidien régional, disparaîtra et sera remplacé par l’Echo du Centre- La Marseillaise puis l’Echo, et durant trois quart de siècle, restant fidèle à l’idéal de la Résistance il portera haut et fier les aspirations du mouvement populaire (ouvriers, paysans, étudiants), malgré la censure ou l’interdiction à certaines époques de son histoire et des difficultés de plus en plus lourdes. Poursuivant l’esprit de la Résistance l’Echo accordera toujours une large place aux manifestations mémorielles de la Résistance. Encore le 5 novembre dernier veille de sa disparition l’Echo, publiait sous la plume de Philippe Jolivet un reportage sur le voyage en Alsace des lauréats 2019 du Concours National de la Résistance et de la Déportation.

Rendons un solennel hommage à l’ensemble des personnels qui au fil des ans, malgré les difficultés de tout ordre, sous les directions respectives de Marcel Rigout, de René Dumont, de Denis Triclot ou ChristianAudouin, et des rédacteurs en chef compétents avec Roger Gourinchas qui deviendra administrateur, Raymond Constant, Martial Faucon, Gilbert Cazeaubon ou Dominique Favier ont perpétué la tradition de Valmy. Une page difficile à supporter, vient de se tourner, mais le livre ne s’est pas refermé, souhaitons qu’une nouvelle solution soit rapidement trouvée afin de ne pas laisser trop longtemps le mouvement populaire orphelin. »

 

COMMUNIQUE DU PRESIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL

Le Conseil départemental prend connaissance de la décision du Tribunal de commerce de Limoges, qui vient de prononcer la liquidation judiciaire de la société éditrice du quotidien L’Echo Dordogne.

Durement touché par la crise sans précédent que traverse depuis plusieurs années la presse écrite dans notre pays, ce titre a malheureusement cessé de paraître depuis hier.

La disparition de ce quotidien constitue un signal inquiétant pour le pluralisme des idées et la liberté d’expression. Il manquera désormais dans notre département une voix souvent sans concession, parfois provocatrice, mais clairement de gauche et toujours sincère.

A titre personnel et pour la sensibilité politique que je représente, cette issue constitue une triste nouvelle pour la qualité et la vitalité du débat démocratique en Dordogne. Issu de la Résistance, porte-parole des luttes sociales, le quotidien L’Écho Dordogne a en effet su, 75 années durant, assurer auprès d’un lectorat fidèle une information de proximité, mais aussi traiter l’actualité nationale et internationale sur un ton engagé.

Au nom de la collectivité et de l’ensemble de ses élus, je tiens à exprimer mon entière solidarité à l’égard des salariés du journal.

Germinal Peiro
Président du Conseil départemental de la Dordogne

REVUE DE PRESSE

La Dordogne Libre dès le mercredi 6 novembre:

Edition de Sud-Ouest du 7 novembre:

« Trois quotidiens de presse écrite, trois hebdomadaires, plusieurs radios dont l’antenne de France Bleu, France 3 Périgords côté télé, sans oublier un site d’info en ligne, quelques magazines… Historiquement, la Dordogne est une terre de pluralisme, ce qui étonne tous ceux, représentants de l’État, politiques ou artistes, qui arrivent dans le département. Depuis mercredi 6novembre, c’est malheureusement moins vrai. « Adieu aux lecteurs », tel était le titre funeste qui barrait la « Une » de « L’Écho ». « Asphyxié économiquement, votre journal n’aura pas survécu à la crise de la presse», pouvait-on également lire. Après soixante-seize ans d’existence, le coup est rude. Suivaient les explications de Frédéric Sénamaud, président de l’association des abonnés. « Notre journal n’avait malheureusement plus assez de lecteurs, plus assez de publicité, plus assez d’annonces légales pour garantir la prochaine paie de ses 42 salariés et assurer sa propre pérennité.» Sept de ces salariés étaient basés en Dordogne : six à Périgueux, un à Bergerac. Mercredi soir, le tribunal de commerce de Limoges a examiné le sort du journal, mais il a reporté sa décision au vendredi 8novembre, selon l’AFP. Avec un déficit d’1,7million d’euros, la liquidation semble toutefois l’hypothèse la plus probable. « En sursis depuis sa création » À Périgueux, ce 6 novembre au matin, les membres de la petite équipe achevaient, le cœur gros, de trier leurs affaires personnelles avant de rendre les clefs du modeste local du 17, rue Antoine-Gadaud au liquidateur. Que de souvenirs brassés, entre les vieux négatifs en noir et blanc rangés dans les enveloppes, les archives, les dossiers… Mais l’urgence et l’émotion emportent les souvenirs. Nul ne songe à nettoyer le tableau blanc où figurent les rendez-vous jugés essentiels des prochains mois et les dates de stages de collégiens de 3e , attirés par le métier… Créé en 1943 à Limoges pour résister à l’occupant, le journal s’appelle alors « Valmy ! » C’est à la Libération qu’il devient « L’Écho du centre ». Son territoire va de l’Indre à la Dordogne, en passant par la Creuse, la Corrèze et la Haute-Vienne où se situent son siège et son imprimerie, frappée par un gros incendie en 1988. Dépendant directement du Parti communiste pendant des années, il s’en émancipera dans les années 1990. Mais « L’Écho » restera toujours fidèle à son ADN, celui d’un journal d’opinion marqué à gauche et d’un antilibéralisme viscéral. « Le journal est en sursis depuis sa création. De nombreux lecteurs nous disaient ces derniers jours : “vous allez encore rebondir”. Mais cette mort lente, que l’on a tous vécue depuis qu’on travaille ici, se transforme cette fois en mort subite », lâche, fataliste, Isabelle Vitté, journaliste à « L’Écho » depuis vingt et un ans et devenue responsable depuis peu. Sa collègue, Natacha Cholet, n’est pas près d’oublier le coup de fil reçu la semaine dernière, annonçant le rendez-vous au tribunal : « C’était d’une violence… » À ses côtés, Danièle Terroni, rentrée au journal en 1993, reste incrédule : « Il y a toujours eu des vagues.» Elle songe notamment au redressement judiciaire prononcé en 2012. Un étalement de la dette avait été acté. Cela n’a pas suffi. Des lecteurs « abandonnés » Face aux nouvelles difficultés, la direction du quotidien avait lancé, durant l’été, une nouvelle souscription. « 15 000euros ont été récoltés alors qu’on en attendait 80 000 », confie Isabelle Vitté. Loin, très loin des 84 000 euros collectés en trois semaines lors d’une précédente crise. Elle comme ses collègues pensent aux anciens qui leur avaient passé ce relais qu’ils ne pourront pas transmettre à leur tour. Mais aussi aux fidèles abonnés : « On a l’impression de les abandonner, de les laisser sans voix. » Danièle Terroni, 65 ans, et Isabelle Vitté, 59 ans, pensent aussi à leurs collègues plus jeunes qui vont se retrouver sur le carreau. Parmi eux, Philippe Jolivet, 41 ans, veut encore espérer à une renaissance « sous une autre forme, avec une voilure plus réduite ». Auquel cas, « je serais partant ». En attendant, ce journaliste militant va bientôt, comme l’ensemble de ses collègues, recevoir sa lettre de licenciement. Tous ont le ventre noué : « Les plans sociaux, les licenciements, on en a tellement parlé chez les autres, en racontant comment ça se passait. Et aujourd’hui, c’est notre tour, et on se sent démunis, on ne sait plus trop comment faire… », souffle Isabelle Vitté. »

Et le samedi 9 novembre:

« C’était écrit, en Une du journal « L’Écho », mercredi 6novembre. Le tribunal de commerce de Limoges a prononcé, vendredi 8 novembre, la liquidation judiciaire de ce quotidien vieux de 76 ans, tout d’abord communiste puis, plus largement ancré sur le versant antilibéral de la gauche. Un mandataire liquidateur a été nommé. Les 42 salariés vont recevoir leur lettre de licenciement. Pour autant, tous ne baissent pas les bras : « On va créer un comité de journalistes pour assurer le suivi des licenciements et des nombreux soutiens que l’on reçoit. Il s’agit aussi de continuer à réfléchir pour que le phénix renaisse de ses cendres », confie Isabelle Vitté, journaliste à Périgueux. « On n’a pas de souci avec la future ligne éditoriale, mais on s’interroge sur la forme : web ou papier ? Hebdomadaire ? » Dès mercredi, le Club de la presse du Périgord a apporté son soutien, notamment à la rédaction de Dordogne : « La disparition d’un journal est une mauvaise nouvelle, tant pour les professionnels de la presse que pour les citoyens, qui perdent ainsi un peu du pluralisme de l’information indispensable au bon fonctionnement d’une démocratie. Avec “L’Écho” disparaît une voix singulière, ancrée dans le paysage médiatique et politique de la Dordogne depuis des décennies. Le Club de la presse du Périgord en est particulièrement attristé. »

 

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